Qu’on en parle sous le terme de « tendinopathie » ou de « tendinite », les douleurs affectant les tendons concernent quasiment chaque sportif à un moment donné de sa carrière ou de sa pratique, les amateurs comme l’élite, les hommes comme les femmes. On reconnaît de multiples causes à ces affections, et on propose de multiples démarches thérapeutiques pour en venir à bout, aucune ne suffisant à elle seule et ne garantissant, à coup sûr, la guérison. La diététique constitue l’une des alternatives envisagées, et de récentes avancées en font l’une des voies les plus prometteuses…
UNE PATHOLOGIE LONGTEMPS MAL COMPRISE :
La compréhension de l’étiologie des tendinites a longtemps semblé constituer un casse-tête, dans la mesure où plusieurs explications plausibles pouvaient être envisagées, mais qu’aucune à elle seule ne pouvait recouvrir l’intégralité des cas rencontrés, et que certaines atteintes semblaient résister à toute forme de traitement et à tout régime ciblé. Initialement, on a perçu ce problème comme l’expression d’une maladie métabolique. On a par exemple su très tôt que la goutte touchait des sujets dotés d’un taux sanguin d’acide urique supérieur à la norme, et que leurs crises frappaient lorsque ce paramètre atteignait sa valeur la plus élevée. Cette observation n’a rien de récent, puisque quelques auteurs du XIXème siècle, à l’instar de Balzac, ont très bien décrit ces épisodes, qui à l’époque semblaient constituer l’apanage de la bourgeoisie. Plus près de nous, le professeur Creff avait remarqué à quel point l’existence de problèmes hépatiques pouvait contribuer à la survenue d’atteintes articulaires ou tendineuses. Ces deux tissus voisins sont souvent touchés de manière similaire, notamment en raison de leur irrigation qui n’est pas toujours adéquate, au point que certains parlent de « cul de sac » physiologique à leur propos. Cette spécificité, notamment en ce qui concerne les tendinites a vite amené à suspecter la responsabilité de certains déchets. C’est cette hypothèse des « toxines » qui, lors d’une seconde et plus récente étape, a amené à s’interroger sur les liens pouvant exister entre les atteintes articulaires ou tendineuses et l’alimentation. Cette conception ne choquera pas un esprit cartésien ; en effet, on sait que notre ration peut contribuer à un bon état de santé ou à sa dégradation, selon la nature des ingrédients qui la composent. Mais deux écueils se sont alors dressés sur la route des pionniers ayant voulu avancer sur cette voie. D’une part, la tendinite est une atteinte cellulaire, difficilement accessible à l’expérimentation. D’autre part, elle se manifeste rarement de manière fulgurante. Au contraire sa survenue est très progressive : on ne se trouve jamais bloqué avec un mal aux tendons deux heures après un repas pour avoir avalé des aliments trop riches en « toxines ». L’identification d’éventuels coupables devait donc être entreprise avec beaucoup de prudence et par étapes. Plusieurs hypothèses ont alors été avancées, semblant apporter une réponse efficace dans un certain nombre de cas, mais conservant une approche encore largement teintée d’empirisme (voir l’encadré).
UN PROBLÈME D’INTOLÉRANCE SERAIT PARFOIS EN CAUSE.
Ces différentes approches diététiques, parfois contradictoires, ne proposaient pas une conception cohérente des souffrances articulaires ou tendineuses vécues par certains sportifs, et bien souvent les conseils diététiques qu’on énonçait aux plus touchés d’entre eux n’apportaient aucune amélioration, du moins jusqu’à ces dernières années. En effet, à l’orée des années 90, une approche révolutionnaire s’est dessinée, porteuse d’un réel espoir de rémission pour tous ceux qui, jusqu’à présent, devaient se résigner progressivement à ne plus pouvoir se mouvoir totalement ni pratiquer leur sport favori, par la faute de tendons ou de cartilages récalcitrants. En quoi consiste-t-elle ? Elle prend en compte le problème principal des tendinites, mais aussi des problèmes articulaires dégénératifs, pour lesquels la présence de déchets intervient également.
Ce problème prioritaire est celui de l’inflammation, à l’origine de la sensation douloureuse. Rappelons en quoi consiste ce phénomène ; c’est une réaction localisée d’un tissu, consécutive à une agression (blessure, infection, irradiation, etc…), qui se manifeste par quatre signes principaux : rougeur, chaleur, tuméfaction (gonflement), douleur, et provoque un afflux de globules blancs et une accumulation de liquide dans les tissus, à l’origine de sensations douloureuses. S’appuyant sur certaines observations récentes concernant des patients souffrant d’arthrite ou de polyarthrite rhumatismale, maladie auto-immune dont le mécanisme, longtemps méconnu, a donné lieu à tout un tas d’hypothèses, il est de plus en plus plausible qu’une intolérance alimentaire participe à cette pathologie (1, 5, 9, 16, 19). Bien qu’encore controversé, cette hypothèse offre l’avantage d’offrir une explication cohérente et de proposer une approche nutritionnelle et thérapeutique très efficace, à en juger aux plus récentes publications parues à ce sujet (9). L’hypothèse de l’intolérance alimentaire dans l’apparition de problèmes tendineux ou articulaires repose sur la conjonction de deux anomalies. La première, extrêmement fréquente dans les sports d’endurance, favorisée par la déshydratation (facteur associé, on l’a vu- aux tendinites-) et le stress est la perméabilité digestive (18, 19). On sait qu’au repos, quelques heures après l’ingestion de protéines d’œufs ou de lait, on retrouve des anticorps anti-protéines, à des taux en général faibles. Cette curiosité résulterait du passage entre les entérocytes de fractions de protéines non digérées, et ceci en-dehors de toute atteinte de la muqueuse digestive (12). A l’effort, de récentes observations encore partielles laissent à penser que ce problème de perméabilité serait à la fois plus fréquent et plus significatif (14). Bien qu’il faille attendre sa confirmation à plus vaste échelle, la survenue de ce problème paraît logique du fait que la déshydratation (*), le stress, l’effort lui-même favorisent l’apparition de « pores » entre les cellules des intestins. Il a déjà été établi que ce phénomène pouvait contribuer à l’empoisonnement de notre organisme par des « endotoxines » lors d’épreuves d’ultra (18). On peut légitimement penser qu’il donne également lieu à un passage accru de peptides alimentaires dans la circulation.
Cette « perméabilité » temporaire est occasionnelle, et c’est sans doute en se répétant qu’il permet le passage d’une quantité significative de peptides qui sont alors reconnus comme « corps étrangers ». L’éviction temporaire des fragments d’aliments incriminés peut alors nettement améliorer la situation.
On rencontre aussi ce problème d’intolérance chez certains sédentaires touchés par des pathologies telles que le syndrome inflammatoire du colon ou la maladie coeliaque. Dans ce cas-là, ce sont de plus grandes quantités de peptides provenant de la dégradation imparfaite de protéines alimentaires qui passent dans la circulation (1, 4, 15). Comment l’inflammation puis, en cas de chronicité, l’atteinte de ces tissus survient-elle dans le cadre de ces pathologies? Certaines protéines de surface du groupe HLA attireraient les peptides « étrangers » sur les cartilages, les tendons, les muscles, plus rarement les os, mais aussi les muqueuses intestinales (5, 14, 20) où ils se fixeraient. Ils y seraient alors reconnus par les globules blancs qui, considérant les cellules-hôtes comme des corps étranger, vont commencer à les attaquer méthodiquement, en relâchant tout un tas de molécules agressives et des radicaux libres qui entament leur travail de sape méthodique. Ainsi dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde ou du syndrome inflammatoire du colon, tant qu’on ne recherche pas une intolérance alimentaire, il existe un cercle vicieux qui s’aggrave après chaque ingestion des aliments incriminés, d’autant qu’il s’agit souvent de ceux que les patients préfèrent… peut-être en raison de l’activité opiacée de certains fragments peptidiques provenant des laitages ou du blé (14).
(*) : La déshydratation favorise également la cristallisation de sels dans les tendons, à l’origine d’une agression et d’une réaction inflammatoire. Voilà sans doute pourquoi la déshydratation soit aussi nettement associée aux problèmes tendineux, et ce quel que soit le sport considéré.




LE RÉGIME PALÉOLITHIQUE… OU PRESQUE :
Certains aliments sont-ils davantage impliqués que d’autres dans ce trouble ? Initialement, pensant que les aliments en cause étaient principalement d’origine animale, quelques équipes ont proposé un régime végétarien pour tenter de calmer les douleurs de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (21). Bien que permettant l’amélioration d’un certain nombre de cas, ce régime « philosophiquement » sain ne tenait pas toutes ses promesses. Les meilleurs résultats s’observaient lorsque les sous-produits animaux (les laitages) se voyaient aussi exclus, autrement dit lorsqu’on préconisait un régime « végétalien ». C’est ce dernier constat qui a suscité une autre démarche. Laquelle ? Certains médecins avant-gardistes, tels l’immunologiste Jean Seignalet, ont émis l’hypothèse selon laquelle les victimes de ces maladies dégénératives étaient intolérants à certains aliments (2, 14, 20). Leur élimination partielle avec un régime végétalien améliorerait l’état de certains malades. Mais du fait que d’autres aliments « coupable » appartiendraient au règne végétal, la rémission ne serait pas systématique avec cette diète. Une meilleure connaissance des aliments en cause offrirait des perspectives thérapeutiques intéressantes face aux problèmes tendineux et articulaires. La recherche simultanée de symptômes infectieux, de sinusite, de problèmes digestifs, et d’une quinzaine de symptômes caractéristiques (9) -voir le tableau 2, a permis de caractériser les aliments les plus souvent en cause : Il s’agit des laitages de vache et des céréales à gluten (9, 16, 20) (voir le tableau 3). La présence d’anticorps IgG spécifiquement dirigés contre ces aliments a confirmé leur responsabilité (4, 9).
Pourquoi ces aliments sont-ils plus particulièrement en cause ? Selon la théorie récemment popularisée sous le nom de « régime paléolithique », les enzymes des cellules intestinales, qui sont les mêmes que celles que possédaient nos ancêtres il y a dix mille ans, ne seraient pas adaptés à certaines caractéristiques de l’alimentation moderne, héritées de l’agriculture et de l’élevage. Lesquelles ? Ce sont les céréales et les laitages et la cuisson prolongée qui, en modifiant la structure de protéines alimentaires, affecterait l’aptitude de ces enzymes à les dégrader complètement. Pour voir leur état de santé progresser, il faudrait que ces patients reviennent à une alimentation constituée exclusivement de végétaux crus et de viandes, sans laitages ni céréales. Loin d’en rester à des théories, certains scientifiques ont proposé ce régime peu attrayant à des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Cette démarche s’est accompagnée d’un taux d’amélioration proche de 75%, particulièrement visible avec un recul de plusieurs années (20). Reste à comprendre pourquoi ces aliments, particulièrement, seraient impliqués ; une série de travaux expérimentaux laissent à penser que cette affection résulterait de la conjonction de deux phénomènes. Le premier serait une augmentation de la perméabilité digestive (qui pourrait résulter de l’exposition progressive à des aliments « non reconnus »). Le second serait l’expression anormale et exagérée des molécules HLA-DR sur les cellules de la synoviale ou des chondrocytes, qui attireraient les peptides à la surface de ces cellules et en favoriseraient une présentation anormalement élevée aux cellules du système immunitaire. Celles-ci, les reconnaissant comme des corps étrangers, dirigeraient alors leur attaque contre les articulations.
Encore dans l’attente d’une validation formelle, parfois controversée, mais déjà précédée d’une flatteuse réputation eu égard aux résultats obtenus, cette diète particulière pourrait offrir des perspectives plus réjouissantes à certains porteurs de maladies dégénératives jusque là peu améliorées par la médecine (problèmes d’arthrite, de rhumatisme, maladie coeliaque), à condition de les suivre durablement. Ponctuellement, dans le cas de problèmes aigus tendineux, musculaires ou articulaires, l’adoption temporaire de ce régime d’éviction peut apporter un réel soulagement et favoriser un retour plus rapide à un parfait état de forme. N’est-ce pas ce qu’attend aujourd’hui tout sportif atteint dans sa chair ?
ENCADRE 1 : LES HYPOTHÈSES ALIMENTAIRES DES TENDINITES.
C’est au professeur Creff qu’on doit d’avoir défriché le premier ce terrain (6). Disposant d’un impressionnant nombre de dossiers complets (comportant une enquête alimentaire et une anamnèse des pathologies), il entreprit d’établir des corrélations entre la clinique (les tendinites) et certaines caractéristiques de la ration. Il en ressortit que trois erreurs alimentaires étaient plus fréquemment associées aux tendinites.
1°) Les apports hydriques :
La première constatation qui lui sauta aux yeux, c’est la fréquente association entre la déshydratation et les problèmes tendineux et musculaires. Ce déficit hydrique s’observerait en cours d’effort puisque les sujets touchés, statistiquement, boiraient moins que ceux qui s’en montreraient exempts. Mais cette relation correspondrait également à une moindre ingestion d’eau au cours de la journée chez les victimes de tendinites. On a communément intégré cette observation comme étant un fait avéré, et bien rares sont les entraîneurs ou les sportifs qui, en ce XXIème siècle, ignoreraient encore que trop peu boire à l’effort pourrait favoriser les tendinites. Pourtant à bien y réfléchir, cette relation de cause à effet n’a rien d’évident. Pourquoi les tendons souffriraient-ils davantage que d’autres tissus de la diminution du pool hydrique ? L’explication à ce fait admis aujourd’hui comme une évidence est peut-être à chercher du côté de la néphrologie. On sait ainsi, depuis l’étude de Milvy menée en 1977 au Marathon de Belfast, que les calculs rénaux, liés à la précipitation de sels d’acide urique, frappent principalement les coureurs les plus rapides et qui, en course, boivent le moins (17). Les crises de goutte, quant à elles, sont liées à des poussées inflammatoires et font suite à la précipitation dans les articulations de cristaux d’ »urate de sodium ». Rappelons que l’acide urique constitue un déchet métabolique riche en azote, formé par la dégradation des bases puriques, qui entrent dans la composition de l’ADN ou de l’ATP. Dans notre organisme, elles se forment aussi à partir d’acides aminés, par le biais de voies métaboliques fort complexes (17). Dans des conditions « normales », l’ensemble de nos tissus produit environ 600 mg d’acide urique. Cette production alimente le « pool » plasmatique d’acide urique, au même titre que celui délivré par notre ration. Cette molécule se dilue difficilement dans les liquides physiologiques. De ce fait, un sujet dont le taux sanguin (« l’uricémie ») dépasse une valeur limite- souvent 70 mg/l, se range parmi les sujets à risque. L’énoncé de cette norme rend mal compte de la réalité, du moins chez le sportif. Suite à des efforts intensifs la veille, il n’est pas rare qu’au cours d’un bilan biologique de routine on trouve chez lui une valeur d’uricémie qui excède cette norme.. sans qu’il connaisse le moindre problème sur le moment.
Il est certain, cependant, que dans ces conditions le risque de formation de calculs est accru ; les molécules en solution se trouvent alors dans un état particulier que les chimistes nomment « sursaturation ». Le liquide qui irrigue le tissu ressemble alors à un potage au vermicelle où, dès qu’on ajouterait une pâte, toutes se déposeraient au fond de l’assiette (7). Or, on connaît trois situations physiologiques qui favorisent la précipitation de ces cristaux acérés en forme d’aiguilles, dans les reins ou les tendons. Évoquons d’abord la déshydratation. En diminuant le volume de potage, on augmente les risques de voir les pâtes se déposer au fond de l’assiette. De plus, toute variation brusque de température et toute acidification des tissus favorisent la précipitation des cristaux. A cela s’ajoute un autre phénomène ; dans ce contexte de « sursaturation », tout solide qui se forme amorce la cristallisation des autres particules, comme dans une réaction en chaîne. Lorsqu’apparaît un nombre suffisant de cristaux, certains globules blancs, les « macrophages », chargés de nettoyer les cellules, viennent s’empaler sur ces particules tranchantes comme des rasoirs et libèrent leurs constituants. C’est le point de départ d’une réaction d’inflammation, qui a valu à ce phénomène de se voir également qualifier de « tendinose ».
2°) La responsabilité possible de la viande :
Cette logique de la « toxine » explique qu’une autre erreur fréquente puisse sembler impliquée : c’est l’abus de viande, observation déjà mentionnée par Creff, et rapidement relayée par les adeptes de certains sports pour qui, philosophiquement, l’idée selon laquelle la viande serait une source de « toxines » (13), cadre avec leur démarche ascétique et leur quête d’absolu. De ce point de vue il s’est produit au fil des années, un subtil glissement ; alors que certains ont avancé, avec prudence, que l’abus de viande pouvait favoriser les blessures musculaires et tendineuses- cette notion d’excès restant à définir-, d’autres ont intégré qu’ils devaient abandonner toute alimentation carnée, susceptible « d’empoisonner les muscles » (3). Cela étant, un coup d’œil rapide au tableau montre que certaines catégories d’aliments, notamment les abats, renferment de très grandes quantités d’acide urique. Certaines de ces denrées, à elles seules, suffisent d’ailleurs à déclencher une crise de goutte, notamment l’ingestion de ris de veau (7). Par contre, contrairement à une idée répandue, il n’y a pas besoins d’éliminer complètement les boissons riches en caféine (thé, café). Certes, elles renferment elles aussi des purines. Mais la consommation de ces boissons très prisées ne provoque pas d’élévation significative du taux d’acide urique. Il ne sert donc à rien de les supprimer (17). Qu’en est-il de la viande rouge ? Elle renferme beaucoup d’acides aminés soufrés, lesquels tendent à acidifier l’organisme. Cette particularité défavorable pourrait expliquer pourquoi certains athlètes prédisposés aux tendinites, et gros consommateurs de viandes, ou enclins à en avaler après un effort violent, pourraient s’en montrer plus fréquemment les victimes. Mais, faut-il le rappeler, cela ne concerne pas tous les sujets, et ne s’observe qu’en cas d’ingestion exagérée. Il n’est donc nullement nécessaire de supprimer totalement la viande rouge de sa ration pour cette raison-là.
3°) L’hypothèse des aliments acidifiants
Le professeur Creff avait également constaté que, parmi les sportifs présentant des tendinites rebelles, il s’en trouvait une forte proportion à avoir séjourné Outre-mer et à présenter les traces d’une ancienne hépatite virale plus ou moins réactivée. Dans ce contexte, le rôle dépurateur du foie ne peut plus s’effectuer convenablement, des déchets séjournent alors plus longtemps dans notre corps et en plus grande quantité, et drainés vers les tendons et les muscles ils occasionneraient progressivement des problèmes de tendinites et des pépins musculaires. Le régime dit « d’épargne vésiculaire », proposé dans ce contexte, présentait un taux de succès très aléatoire, principalement parce qu’il reposait sur des données empiriques et qu’il ne réglait en rien le problème de départ, la faiblesse hépatique. En quoi consistait-il ? A un choix d’aliments supposés influer sur l’équilibre acide-base de la ration puisque, selon cette conception, les problèmes tendineux résulteraient de la précipitation de déchets à cause d’une acidification tissulaire. Il faudrait donc réduire la consommation d’aliments susceptibles d’acidifier, et privilégier ceux qui, au contraire, alcalinisent nos tissus. Autrement dit, il faut rechercher les denrées qui, après assimilation des nutriments qui les composent, laissent une trace alcaline dans les cellules. Fort de cette théorie, certains ont estimé qu’une ration équilibrée devait se composer à 60% d’aliments alcalinisants et à 40% d’acidifiants (10). Jusque là, tout va bien. Mais se pose le problème de l’identification de ces deux séries d’aliments. Les listes proposées dans divers ouvrages sont fournies de manière péremptoire, ne reposant souvent sur rien d’autre que de l’empirisme, quand ce n’est pas du scientisme quand, comme on l’a souvent lu, on considère les agrumes comme des aliments acidifiants en raison de leur richesse en acide citrique. Or celui-ci est un acide faible et, par ailleurs, les agrumes renferment beaucoup de minéraux qui contribuent à un état alcalin. Au bout du compte, les oranges ne sont pas acidifiants, pas plus que les tomates. Pourtant, on se souvient du cas de Michel Platini, obligé naguère d’éliminer temporairement ce fruit pour guérir une tendinite récidivante.
Or l’intérêt pour l’équilibre acide-base de la ration s’est développé dans un autre domaine de la nutrition sportive, celui en rapport avec les efforts maximaux. En effet, ceux-ci s’accompagnent d’une accumulation de déchets acides qui, une fois formés en quantité suffisante, vont obliger le sportif à ralentir son allure. Toute procédure alimentaire susceptible de neutraliser cette vague d’acidité contribuera donc à la performance. Elle pourrait également, compte tenu de son rôle actif d’anti-acide, aider à traiter des tendinites. Or il ressort des multiples travaux conduits sur ce thème, notamment par Paul Greenhaff (17), que l’influence de l’alimentation se résume très simplement : une ration riche en protéines et notamment en viandes tend à acidifier, alors qu’une alimentation de type « glucidique » ou végétarienne alcalinise nettement. Même si elle comporte des oranges, des tomates, du pain complet ou de l’oseille, pourtant jugés néfastes. Ceci explique que les sujets victimes de blessures musculaires et tendineuses consomment, en moyenne, moins de fruits et de légumes frais que les sportifs exempts de pépins. L’augmentation de l’ingestion de végétaux frais permet, dans de nombreux cas, de réduire le risque de tendinite. De surcroît, ils renferment beaucoup d’eau.
D’autres observations compilées statistiquement au début des années 90 par le docteur Genson, au CREPS de Talence, ont également mis en exergue la responsabilité de certains acides alimentaires (notamment des additifs), tels que ceux qu’on trouve dans des sodas ou des charcuteries, en raison de leur caractère très acidifiant. Les végétaux riches en acide oxalique (oseille, épinards, groseille) joueraient également un rôle, mais à un bien moindre degré. En clair, ce ne sera jamais en se privant de ces végétaux qu’on guérira une tendinite, et on ne la déclenchera certainement pas simplement parce qu’on aura mangé un peu trop de compote de rhubarbe…





TABLEAU 1 :
LES SOURCES D’ACIDE URIQUE (17).
ALIMENT Teneur (mg/100 g)
Ris de veau 990
Anchois 465
Sardine 360
Foie, rognons 280
Hareng 200
Cervelle 180
Langue, truite, carpe 165
Saucisse 145
Porc 120
TABLEAU 2 :
LES PRINCIPAUX SYMPTÔMES INTOLÉRANCE ALIMENTAIRE ET LEUR FRÉQUENCE (9) :
Congestion nasale (40%)
Sinusites (33%)
Fatigue postprandiale (31%)
Présence de mucosités dans la gorge (29%)
Gaz digestifs (26%)
Fatigue chronique (25%)
Toux sèche (22%)
Enrouement (20%)
Diarrhées (20%)
Éternuements (20%)
Migraines (20%)…
TABLEAU 3 :
LES ALLERGÈNES LES PLUS FRÉQUENTS (9, 14, 20) :
Lait de vache – céréales à gluten (blé, seigle, avoine, orge) – bananes – sésame – poivre – moutarde
Moutarde – œufs (blanc et jaune) – thé, café – cacao – maïs – riz – oranges – kiwi.
ENCADRE 2 : INTOLÉRANCES ALIMENTAIRES ET TENDINITES- LES CONSEILS ALIMENTAIRES.
Le régime « d’attaque » proposé repose sur deux types de mesures. On envisage d’une part des compléments nutritionnels, permettant d’apporter à des taux incompatibles avec une alimentation usuelle certains nutriments susceptibles de favoriser la synthèse de molécules anti-inflammatoires. Il va s’agir notamment d’acides gras servant de « précurseurs » à des prostaglandines capables de calmer cette flambée inflammatoire. On privilégie ainsi les sources d’acide gamma-linolénique (le seul qui, au sein de la famille « oméga 6 », possède de telles propriétés). Pour en accroître l’apport aux tissus, on emploie l’huile de bourrache, qui avec l’huile d’onagre (dont la culture fut relancée aux Etats Unis par Barry Sears, apôtre du régime « 30-30-40 », connu sous le nom de « The Zone », constitue les meilleure sources connues d’acide gamma-linolénique, Mais il est susceptible de se transformer en acide arachidonique, précurseur de molécules beaucoup moins bénéfiques. Les acides gras de poissons (acides gras à longues chaînes de la famille « oméga 3), bloquent cette transformation défavorable et, en outre peuvent servir de précurseurs à d’autres substances anti-inflammatoires. L’apport conjugué de ces deux séries d’acides gras est donc la clef de voûte de la prise en charge nutritionnelle. En études cliniques, les suppléments de graisses de poissons ont amélioré l’état de santé de sujets atteints de psoriasis, de polyarthrite rhumatoïde, ainsi que dans des problèmes de colites (11).
S’y ajoutent, en fonction des cas, la prescription d’anti-oxydants, destinés à calmer le processus inflammatoire et à protéger les tissus ainsi touchés (8) et la prescription de « probiotiques » (5, 19). Ces ferments, qui sont les hôtes bénéfiques de nos intestins, vont permettre de rééquilibrer la flore intestinale, de renforcer les défenses immunitaires, et d’arrêter le processus de perméabilité intestinale (point de départ de ce type de problème).
D’autre part, on s’appuie sur des conseils diététiques précis, mettant en avant deux séries de règles. Les premières portent sur la nature des sources de lipides à apporter, pour renforcer les conseils précédents, alors que les secondes désignent les aliments à exclure temporairement… ou définitivement selon les cas de figure, car en cause dans un processus d’intolérance « temporaire » ou chronique (5, 19).
On recommande ainsi de privilégier les sources de lipides suivantes :
- Huiles d’olive et de colza, quotidiennement, en alternance ( et éventuellement remplacées, de temps en temps, par de l’huile de noix), l’avocat, les olives, les poissons gras (thon, saumon, maquereau, anchois, sardine, congre), le canard, ainsi qu’une petite quantité quotidienne de noix, noisettes, amandes.
- On préconise d’exclure les laitages de vache. Selon les cas on se contentera de laits végétaux enrichis en calcium ou, plus souvent, on autorisera les laitages de brebis et de chèvre. Il sera possible de les réintroduire par la suite, au bout de quelques mois, en fonction de l’évolution des symptômes et de la pathologie.
- Pour satisfaire les besoins en calcium malgré l’élimination de certains laitages, on recommande de boire quotidiennement des eaux telles que « Talians », « Arvie », « Contrex », « Vittel Hépar », qui en délivrent à des taux intéressants et sous une forme assimilable. La présence privilégiée de fruits et légumes apportera également un surcroît de calcium.
- Compte tenu de leur richesse en anti-oxydants, nécessaires à la neutralisation des radicaux libres qui agressent les tendons et les articulations, les fruits et les légumes bénéficieront d’une place privilégiée dans ce régime.
- Si on suspecte une intolérance au gluten, il peut être nécessaire d’allonger la liste des interdits, rendant ce régime plus délicat à suivre et relativement astreignant… mais très efficace. Il s’agit alors d’éviter le plus possible (et temporairement) tous les aliments dérivés du blé, de l’orge, du seigle et de l’avoine, céréales à gluten : il sera possible de manger à la place du riz, du sarrasin (sous forme de crêpes par exemple), de l’épeautre, du tapioca, du millet, du quinoa, de la polenta, des pommes de terre, y compris sous forme de müeslis.
EXEMPLES DE MENUS :
Matin :
- jus de fruit frais- flocons de riz, de maïs, de millet, de quinoa et lait de soja, de riz ou d’amande ou tapioca au lait de soja ou au lait de chèvre (peu allergène)
- Pain sans gluten et miel, confiture, fromage de brebis ou beurre
- Thé ou café.
Midi et Soir :
- Crudités et salade
- Volaille ou poisson ou viande blanche ou fruits de mer ou œuf ou galettes de sarrasin ou tofu
- Riz ou millet ou pommes de terre ou quinoa ou légumes secs ou quinoa ou légumes verts (de préférence avec de l’huile d’olive ou de colza)
- Yaourt au lait de brebis ou au lait de soja ou fromage de brebis
- Un verre de vin rouge par repas
Dessert : sorbet, fruit cuit avec dessert soja en nappage.
En accompagnement : galettes de riz.
BIBLIOGRAPHIE :
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Denis Riché, pour « Sport & Vie » – 2002
Photos : MCC
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