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MICRONUTRITION ET HANDBALL

par | 20 Sep, 2023 | 0 commentaires

Les équipes de France de foot, de rugby, les leaders des équipes cyclistes tricolores ont largement eu recours à des conseils de nutritionnistes, en veillant à le faire largement savoir auprès des médias. L’idée était sans doute d’aussi bien nourrir leurs athlètes que leur image de marque. Dans le hand sport qui, en France, a beaucoup plus gagné à lui tout seul qu’eux tous réunis, rien de tout cela. Est-ce à dire que dans cette discipline les considérations diététiques ne présentent aucun intérêt ?

A QUOI CELA SERVIRAIT-IL ?

            Vous connaissez sans doute ce sport à travers vos heures d’activité physique au collège, ou plus récemment en suivant les exploits tricolores sur des chaînes payantes. Rappelons-en les règles, qui sont très simples :  On joue avec les mains, à 7 contre 7, et à la fin c’est la France qui gagne, ceci valant autant pour les Hommes que pour les Femmes. Si la Fédération peut s’enorgueillir d’un palmarès aussi fourni qu’un casier judiciaire de politicien, sans avoir jusque-là accordé la moindre importance à la diététique, à quoi cela pourrait-il bien servir de commencer à s’y intéresser ? La question mérite d’être posée… Quand j’écris qu’on n’y accorde pas la moindre importance, ce n’est pas entièrement vrai. En fait, des approches ont bien eu lieu ; plusieurs années en arrière, Olivier Krumbholz, inamovible sélectionneur de la sélection tricolore féminine, avait sondé un médecin d’une équipe cycliste française, pour se faire une idée de ce que coûterait un suivi individualisé. Vu la réponse de celui-ci on, en est resté là. Ce médecin dispense désormais ses services dans un club de foot de D2. Plus récemment, avant les Jeux de Tokyo, Guillaume Gille sollicita une médaillée française d’une olympiade précédente, par ailleurs diététicienne et micronutritionniste, afin qu’elle délivre un speech d’information auprès des Costauds. Hélas, le Covid eut raison de cette bonne résolution et le soufflé retomba. Aujourd’hui, elle travaille auprès d’une équipe de foot de Ligue 1.

            On peut avancer plusieurs raisons à cette absence d’intérêt pour un véritable accompagnement nutritionnel structuré, et sans doute participent-elles toutes peu ou prou à cette situation. D’abord, le coût éventuel d’un accompagnement à l’année, impliquant un suivi biologique, une expertise, et des conseils de complémentation peut entrer dans le budget d’équipes de ligue 1 ou de Pro Tour, plus difficilement dans celui d’un club ou d’une fédération, pour lesquels les effets de la désertion des gymnases, lors deux dernières saisons, a sans doute largement inquiété les grands argentiers de ces structures et mis à mal les finances de ces équipes. Ensuite, l’arrivée du hand français au plus haut niveau et son passage au professionnalisme, comparativement à ce qu’on a connu avec le foot ou le cyclisme, reste un événement récent. Ceci a certainement imposé des priorités et des arbitrages économiques, privilégiant sans doute la formation des joueurs et la pérennité des championnats, au détriment de considérations périphériques ou jugées secondaires. Par ailleurs, la dimension culturelle pèse aussi sans doute très lourd. Sport longtemps influencé par ses racines estudiantines, aux troisièmes mi-temps moins médiatisées mais pas moins éthyliques que celles des rugbymen (demandez leur avis aux Barjots qui ont vécu la transition du monde amateur vers celui d’un championnat rémunéré), le hand garde une approche épicurienne, située aux antipodes des repas des cyclistes sur le Tour.  Ainsi, il n’est pas invraisemblable d’apercevoir des joueurs nîmois attablés à une brasserie devant une entrecôte XXL en période compétitive. Et ce qui vaudrait une remontrance à un cycliste pro, passe ici sans la moindre grimace. Dans un tel contexte, difficile pour la diététique de se frayer un chemin jusqu’aux vestiaires ou jusqu’aux bureaux des managers.

Alors fin de l’article ? Assurément pas. En effet, c’est précisément la palette extrêmement vaste de qualités que requiert ce sport au plus haut niveau, qui peut amener à s’interroger sur les besoins nutritionnels de ses pratiquants. Au-delà des aspects énergétiques liés à l’activité sur les parquets, intéressons-nous plutôt aux spécificités du hand au niveau de l’élite. Celles-ci impliquent la mise en jeu de compétences, telles que l’anticipation, la mémorisation, l’explosivité, la gestion du stress, et bien d’autres encore. Or, leur expression dépend de la présence optimale de certaines molécules qui, tirées de notre assiette, gagnent ensuite notre organisme. Je vous propose, dans la suite de cet article, de partir à la découverte de ce qui pourrait constituer, à mes yeux, un accompagnement nutritionnel à la hauteur des exigences de champions du monde à perpétuité.

DES JOUEURS SUR LE FIL DU RASOIR :

Un joueur de haut niveau opérant dans le championnat français prend part à une compétition à 16 clubs, ce qui implique 30 matches, auxquels s’ajoutent les rencontres de Coupe, et pour les Internationaux les grands tournois européens et mondiaux, sans oublier les rencontres de préparation à ces derniers. Certes, nous n’atteignons pas encore les records relevés en NBA, mais l’enchaînement de rencontres, de traumatismes musculaires, de voyages fatigants, créent un stress global qui a sensiblement augmenté ses dernières années. La mesure du cortisol salivaire constitue l’indicateur le plus fiable de celui-ci. Les mesures effectuées aujourd’hui dans le contexte des calendriers démentiels, tous sports confondus, montrent clairement la réalité de ce surmenage institutionnel (6,7). A ceci s’ajoute l’impact d’événements récents. Le confinement et l’arrêt des championnats en 2020, puis la reprise à huis clos la saison suivante ont constitué un parfait modèle de stress psychologique. En effet, comme les travaux récents de neurobiologie permettent de le comprendre, cet état mental défavorable s’instaure en présence des éléments suivants (24) : Nouveauté, imprévisibilité, absence de contrôle et atteinte à l’ego. L’arrêt brutal des championnats en mars 2020, sans horizon clairement dégagé quant à la reprise des championnats a constitué une authentique agression pour le monde du sport, handball y compris bien évidemment. En effet, à ce moment-là, les quatre ingrédients qui le composent se trouvaient réunis (24). La situation était nouvelle, imprévisible (« que va-t-il nous arriver ? », va-t-on tous se retrouver au chômage ? »), échappait au contrôle, voire touchait à l’ego en raison de l’impossibilité temporaire à réaliser le projet de vie qui animait les joueurs. Face à cette « Terra Incognita » les clubs ont cherché des solutions pour mobiliser les équipiers, les solliciter, mais le mal était fait. De récents travaux conduits auprès de footballeurs pros, logés à la même enseigne durant ces longs mois, montrent que le niveau de stress et d’anxiété s’était fortement accru ces derniers mois vécus sous l’emprise du Covid (17). Nul doute que le tennisman Benoît Paire ne fut pas le seul à éprouver des états d’âme dévastateurs dans ce contexte. Les mesures de cortisol salivaire (témoin représentatif du stress), que j’ai réalisées depuis juillet 2020 auprès de sportifs de haut niveau de tous horizons, pointent une réalité inquiétante : Plus de 70% des résultats révèlent des perturbations qui, dans le contexte des charges de travail auxquelles les joueurs se trouvent soumis, ne risquent pas de se normaliser de sitôt.

            Plusieurs conséquences en découlent. La première d’entre elles est désormais bien admise ; un stress chronique affecte les processus cognitifs des sportifs (20). Mémorisation des schémas d’attaque pour les joueurs de champ, connaissance sans faille des impacts préférés des tireurs pour les gardiens (*), maîtrise des situations de tension pour tous, constituent autant de paramètres déterminants de la performance qui risquent de pâtir ce cette situation. On comprend évidemment que tout ce qui permet d’optimiser les fonctions neuronales en cours d’effort aidera à prévenir cette chute de performance cognitive. Et sur ce plan, les boissons glucidiques ont montré leur réel intérêt en maintes occasions.  Comment agissent-elles ? Pas seulement en nourrissant les cellules cérébrales.  Une récente étude, menée par mon collègue de l’UFR STAPS de Poitiers Olivier Dupuy et par le Canadien Jonathan Tremblay a établi que, quel que soit le type de boisson glucidique, solution de glucose ou sirop d’érable, cet effet favorable sur le cerveau s’expliquait notamment par une meilleure perfusion des neurones. (9).  Trente ans plus tôt, des auteurs scandinaves (à prendre au sérieux dans le milieu du hand), ont établi que si, en plus, on leur associait des acides aminés ramifiés, cela permettait de maintenir une synthèse optimale des neurotransmetteurs (3). Sans cette stratégie, dans un contexte de sollicitations faisant consommer ces messagers à un rythme effréné, la fatigue mentale ne tarderait pas à arriver. Pour autant, bien nourrir le cerveau ne se limite pas à cet apport glucidique durant l’activité. D’autres recommandations diététiques peuvent également y contribuer. Je les ai détaillées dans l’encadré.

La chute des performances cognitives qui peut alors s’observer est-elle la seule conséquence à redouter ? Hélas non ; dans ce contexte de stress, l’humeur des joueurs peut connaître une lente dégringolade. Les chiffres observés par Ozgur Kilic et ses collègues, dans le cadre de leur étude menée sur des footballeurs et des handballeur danois, interpellent fortement (12). Le Danemark constitue indéniablement une autre place forte de ce sport. Une variante des règles présentée dans l’introduction de cet article stipule d’ailleurs qu’à la fin ce sont les Danois qui peuvent aussi gagner… On pourrait donc s’attendre à ce que les joueurs du royaume scandinave soient heureux de leur sort. Pas tant que cela. D’après ces auteurs, 26% d’entre eux et 16% de leurs compatriotes du foot, présentent des troubles anxio-dépressifs. Les gratifications obtenues sur le terrain ne semblent plus suffire à compenser la pression croissante qu’ils subissent sans relâche. Gagner n’a plus la même saveur. Si en plus une blessure vient arrêter le joueur juste avant qu’on l’interroge dans le cadre de cette expérience, le risque d’anxiété ou de dépression grimpe encore. On revient au point de départ : calendrier de plus en plus fou, manque de récupération, pression des médias et des dirigeants, peur de la blessure, le stress est partout. Il ne manque plus que quelques événements extra-sportifs s’ajoutent au cocktail, comme des bébés ne faisant pas leurs nuits, on peut alors plonger dans un authentique burn out, comme l’a courageusement confessé le pivot gardois Rémy Salou, absent des terrains depuis plus d’un an et dont l’épuisement l’a contraint à rester alité… ce qui lui fit perdre 18 kg !

(*) : A la vitesse à laquelle la balle quitte la main du tireur, il est impossible pour un gardien d’attendre que l’attaquant tire pour tenter sa parade. Il lui faut anticiper, mais pas trop, au risque que l’attaquant se ravise. Il lui fait attendre, mais pas trop non plus, au risque d’être fusillé sur place. En fait, la clef consiste à connaître le tir préféré de la plupart des joueurs, leur « impact préférentiel », c’est-à-dire l’endroit de la cage où, s’ils ont le choix ou au contraire s’ils se trouvent dans une situation délicate, ils chercheront à placer le ballon. Alors, il conviendra d’attendre le plus possible en feignant de ne pas savoir. Les échecs, à côté, deviennent un jeu d’enfant ! Avant l’avènement de la vidéo, des observateurs, sinon les gardiens eux-mêmes, constituaient un fichier sur les adversaires. Tout portier digne de ce nom révisait avant les rencontres. « Le n°7 d’Ivry, tire plutôt en haut à gauche. Tel autre, tire les pénalties après deux feintes et cherche à faire se coucher le gardien ». Parmi ses multiples qualités hors norme, Titi Omeyer se caractérisait par une mémoire d’autiste lui permettant de jouer avec les tireurs. Fatigué, un gardien n’est plus capable de ces stratagèmes cognitifs et subit la rencontre. Bien nourrir son cerveau peut alors constituer une authentique arme.

LE JOUEUR DE HAND S’OXYDE PLUS VITE :

Si le stress constitue l’ennemi n° 1, il n’existe malheureusement pas d’aliment ou de nutriment « miracle » anti-stress. Alors comment intervenir ? En tentant d’atténuer les conséquences psychiques et physiques de celui-ci. Et elles sont nombreuses. Commençons par le « stress oxydatif », ainsi qualifié en raison de sa nature qui consiste à « rouiller » les cellules et les tissus dans un fort contexte d’agression. De quoi s’agit-il exactement ? De la formation excessive de molécules baptisées « radicaux libres ». Elles se caractérisent par leur durée de vie très brève, ainsi que par la possession d’un électron célibataire, ce qui en fait des molécules très réactives, susceptibles d’interagir avec d’autres entités présentes dans l’organisme. On a déjà expliqué dans cette revue qu’une production contrôlée de radicaux libres permettait le bon déroulement de réponses adaptatives. Pour écrire les choses simplement le fait, pour notre organisme, d’être régulièrement soumis à la présence de ces molécules, déclenche des processus épigénétiques grâce auxquels les voies de production d’énergie, les mécanismes de protection tissulaires et l’expression de nos gènes se trouvent améliorés (25). De plus, nos tissus possèdent des systèmes permettant de les neutraliser, en évitant leur propagation qui serait délétère. Ils fonctionnent notamment grâce à des nutriments qui se nomment « anti-oxydants ». Une alimentation qui en délivre suffisamment constitue alors un gage de santé pour le joueur. Cependant, lorsque les situations pourvoyeuses de radicaux libres prennent le dessus, les tissus se trouvent en danger face à ce que l’on appelle le « stress oxydatif ». Comprenons bien : ce n’est pas la production de ces radicaux libres qui constitue un problème, mais leur apparition en quantité excessive, qui déborde nos possibilités de protection. Dans quelles circonstances se forment-ils ? Je viens de l’indiquer, ils apparaissent en grand nombre dans un contexte de stress. Mais pas seulement ; ces radicaux libres apparaissent aussi dès lors qu’on consomme de l’oxygène. Autrement dit, plus un effort est intense, plus on inspire et plus on forme de ces dérivés agressifs. Cela pourrait inquiéter tout sportif de haut niveau. Mais heureusement, simultanément, on développe des capacités de neutralisation pour y faire face ; du moins jusqu’à un certain plafond. Or, celui-ci peut être franchi en présence d’autres situations pourvoyeuses de radicaux libres, tels que les états inflammatoires, l’exposition à l’altitude, au chaud, aux polluants, ou encore en lien avec une activité immunitaire supérieure à la normale (25) ; Le suivi de ce stress oxydatif peut donc représenter un très bon témoin de l’aptitude d’un sportif, à un instant « t », à supporter ou non l’ensemble des contraintes auxquelles il se trouve soumis.

Cela fait d’ailleurs près de 20 ans que l’évaluation de ce stress oxydatif permet de rendre compte de la façon dont un sportif affronte l’ensemble de ces sollicitations (13, 25).  Cela a permis de constater que, à niveau d’entraînement et à apports alimentaires comparables, près d’un quart d’entre eux possèdent des taux trop élevés, témoignant de l’existence, chez eux, d’une oxydation chronique. Celle-ci va contribuer à un risque accru de blessures ou d’accidents cardio-vasculaires. Fort logiquement, l’évaluation de ce stress oxydant a été récemment entreprise chez des handballeurs (16). Il en est ressorti un fait intéressant : Dans le contexte décrit ci-dessus, et en lien avec une tendance de ce jeu à évoluer vers une dynamique de plus en plus engagée, une part importante des joueurs voient leur stress oxydatif s’accentuer au fil des matches. Vers la fin de saison, beaucoup finissent par développer un authentique état de vulnérabilité. Faut-il y voir un lien avec le nombre impressionnant de blessés qui désertent les parquets au cours des mois qui suivent les grands rassemblements continentaux ? C’est fort possible. Une question se pose à ce stade : De tous ces facteurs énoncés ci-dessus, en existe-t-il qui, plus que les autres, fasse basculer ces joueurs du côté sombre ? Oui, la compilation de données biologiques recueillies auprès de sportifs de haut niveau depuis une quinzaine d’années a permis de comprendre que, plus que tout, c’est la présence d’une activation immunitaire chronique et d’un stress de fond qui contribuent à cette fragilité (25). Le pire, c’est que les deux s’auto-entretiennent dans un cercle vicieux sans fin (21).

            Quelle réponse envisager sur le plan alimentaire ? On peut évidemment penser d’emblée à l’apports d’aliments et d’épices richement dotés en anti-oxydants, légumes colorés, fruits, thé, chocolat, curcuma. On peut aussi surveiller les apports en d’autres éléments qui aident les enzymes de protection à fonctionner. Ces « cofacteurs », ainsi qu’on les désigne, sont par exemple le fer, le zinc, le sélénium, dont il existe de fréquents déficits chez les sportifs. Un manque de diversité alimentaire, favorisant un contenu d’assiette monotone, peut à l’inverse majorer le risque de déficit. Etonnamment la prise de glucides à l’effort joue également un rôle favorable. En effet, lorsque la cellule manque de sucre au moment même où on consomme le plus d’oxygène, les acteurs de la défense ne sont pas aussi performants. Des études menées lors de la décennie précédente ont ainsi montré que, comparativement à ce qu’on note avec la prise d’une boisson placebo édulcorée, l’ingestion d’une solution glucosée en cours d’activité réduisait la formation de molécules « rouillées » sous l’effet des radicaux libres (15). A l’inverse, en l’absence du moindre apport glucidique, l’agression subie par les cellules persistait à un niveau élevé plus de 12 h après la fin d’une session d’activité physique… De quoi inquiéter dans un contexte d’entraînement biquotidien et où, après un retour nocturne tardif d’un déplacement, les équipiers se retrouvent après une courte nuit de sommeil pour une séance de décrassage.

            Qu’en est-il de l’influence de notre microbiote sur ce stress oxydatif ? Cette réflexion incongrue au début des années 2010, devient incontournable en 2022, dans la mesure où le monde bactérien qui peuple notre intestin gouverne le fonctionnement de notre système immunitaire. Or, on a vu qu’une sollicitation chronique de ce dernier peut favoriser un stress oxydatif délétère. Peut-on alors espérer réduire l’agression des tissus en apportant des éléments qui renforcent nos défenses, tels que des probiotiques ? Une étude publiée en 2018 (18), fruit d’une coopération entre chercheurs serbes et tchèques, a consisté à tester, comparativement à un placebo, l’effet d’une complémentation en lactobacilles, menée durant un mois, sur un indicateur sanguin du stress oxydatif. Les souches constitutives de ce produit avaient été sélectionnées en raison de leur aptitude à renforcer les défenses anti-virales.  Ces auteurs ont montré un effet atténuateur du probiotique sur le stress oxydant. Cela constitue une belle démonstration de l’intérêt de cette démarche sur les défenses immunitaires et, par voie de conséquence, sur le stress oxydatif et le risque de blessure. Mais qui procède ainsi en France ?

A TROP ATTAQUER, ON N’A PLUS DE DEFENSE…

On a vu précédemment que l’élévation chronique du cortisol peut, à terme, constituer un risque de fragilisation chronique de nos défenses. On comprend dès lors que quand les épisodes de stress s’additionnent, leur répétition finit par désarmer le système immunitaire.  C’est ce qu’a montré le physiologiste Michael Gleeson (10), qui mène des recherches sur l’immunité des sportifs depuis plusieurs décennies. Ses travaux ont plus précisément établi que c’est le double effet de la répétition de séquences d’efforts intenses et de temps de repos insuffisants, qui favorisait le risque de développer des infections virales. Certes, face à ce danger, on pourrait envisager la mise en place d’une stratégie nutritionnelle appropriée, avec des apports optimaux en zinc, en sélénium, en vitamine D, ou encore en végétaux frais. Mais comme le répète depuis des décennies David Nieman, « nothing is better than sport drinks » (rien ne vaut les boissons d’effort »). En effet, la fragilité immunitaire qui fait suite à un effort soutenu (phénomène que les Anglo-Saxons dénomment « open window phenomenon »), apparaît encore plus marquée en l’absence d’apport glucidique à l’effort (21). Les pratiques actuelles des joueurs, a fortiori dans les catégories de jeunes, montrent qu’on est encore loin du compte pour la plupart d’entre eux. On pourrait imaginer, à terme, une évolution des mentalités et une utilisation systématique de tels produits, soutenue par le travail pédagogique des éducateurs. Quand bien même on y arriverait à terme, cela ne règlerait sans doute qu’une partie des soucis et cet accompagnement atteindrait vite ses limites, dès lors que les contraintes subies resteraient au niveau actuel, qui est véritablement déraisonnable. L’augmentation de la taille des effectifs des équipes de D1 et D2 semble constituer, actuellement la seule réponse adaptative des clubs face à cette situation.  

UNE AMBIANCE CHAUDE A Y PERDRE LA TÊTE…

Il existe un dernier facteur de stress à évoquer : celui des contraintes thermiques propres au handball. En effet, les températures existant dans les salles, l’intensité des efforts effectués, l’adrénaline, la difficulté à compenser efficacement les pertes hydriques : voilà des éléments qui peuvent contribuer à une accumulation de chaleur dans l’organisme et à un éventuel état de déshydratation. Cet état de déficit hydrique exerce des conséquences défavorables sur les joueurs. La moins connue d’entre elles, n’en est pas la moins déterminante dans cette discipline où la prise d’information, la rapidité et la précision de l’exécution gestuelle, l’évaluation permanente du bon timing- tant en défense qu’en attaque ou que dans les buts constituent des qualités prédominantes. Il s’agit de la détérioration des performances cognitives. Au basket, il a été démontré, chiffres à l’appui, une baisse de l’efficacité au tir, et un nombre plus important de passes manquées dans cette situation de stress thermique (1, 2). Le coaching très souple, qui peut tripler par exemple la durée d’un match de NBA, permet de limiter les pertes hydriques (22-3), ou du moins ralentit la dérive thermique corporelle et favorise une meilleure restauration du statut hydrique durant les rencontres. Ceci, de fait, contribue à une moindre altération de l’adresse des joueurs. Au hand, les changements et les temps morts n’offrent pas autant de liberté, la surface du terrain est supérieure, imposant des efforts plus soutenus, et nul doute que les conséquences sur les tâches motrices et cognitives sont plus significatives qu’en NBA. Enfin n’oublions pas, parmi ces entraves subies par le cerveau, une altération de la coordination et de l’anticipation. La réception des sauts, la pertinence des interventions défensives, l’ancrage des appuis lors des changements de direction peuvent alors mettre à mal les chevilles ou les genoux des joueurs.  Ceux de Mikkel Hansen, qui n’est pourtant pas le plus acrobate des handballeurs, ont tellement couiné ces derniers mois qu’il a dû se résigner à passer sur le billard et à terminer prématurément la saison en cours. Malheureusement, l’attention portée aux ravitaillements en cours de matches semble loin d’égaler celle qu’on observe dans les sports d’endurance.

De manière plus surprenante, on sait que dans ce contexte d’agression répétée, des fragments de certaines protéines alimentaires, en l’occurrence le gluten et la caséine, apportés lors de la collation d’avant-match, gagnent l’organisme et interagissent avec des récepteurs cérébraux, se substituant alors aux neurotransmetteurs. Ces molécules, nommées les « exorphines », peuvent majorer la douleur, l‘anxiété, affecter les processus cognitifs (8). Leur intervention a été mise en évidence dans les sports d’endurance, dans un contexte de forte contrainte thermique (11). Rien n’empêche de penser que ces molécules issues de notre assiette viennent aussi dialoguer avec les neurones des handballeurs !

SORTIR DU VENTRE MOU :

La répétition de ces épisodes de déshydratation peut favoriser un cumul de situations durant lesquelles la muqueuse intestinale, bien moins irriguée qu’au repos, va devenir temporaire perméable et laisser entrer dans l’organisme des fragments de bactéries, qu’on nomme les « endotoxines » (25). Celles-ci peuvent contribuer à des réactions inflammatoires à distance, se traduisant par des bobos permanents, qui ne guérissent jamais, et que seule parvient à concurrencer la longueur des straps des joueurs.  Motiani et ses collègues de l’Université de Turku ont cherché à évaluer s’il existait un niveau d’intensité d’effort au-delà duquel cette souffrance des boyaux devenait quasi inévitable (19). Voici ce que leur travail a montré : Il existe effectivement un seuil de souffrance, et il se situe autour de 70% du maximum ; autant dire que lors des séquences de jeu, souvent exécutées à haute intensité, les intestins se trouvent confrontés à cette situation. Peut-on la prévenir ? Lambert et ses collègues (14) ont décrit au début du siècle que la consommation régulière de boisson énergétique en cours d’exercice, là encore, limitait l’ampleur de cette agression. Cela ne suffit pas toujours. Dans certains cas, surtout lorsque l’effort se combine à une prise répétée d’anti-inflammatoires (qui agressent eux aussi la muqueuse intestinale), il existe une souffrance digestive permanente. Cela rend nécessaire la mise en place de stratégies spécifiques de cicatrisation de la muqueuse. Elle consistera à apporter certains probiotiques dotés d’effets anti-inflammatoires et cicatrisants, ou à recommander des prébiotiques (26) ou encore au curcuma (4). Sans ces précautions, le passage d’endotoxines ne sera pas enrayé, ce qui menace de déclencher des maux de ventre, des diarrhées (27) et des douleurs articulaires (5). La technicité de ces conseils, difficiles à appliquer en autodidacte (à part la prise de curcuma), rend indispensable l’intervention d’un thérapeute.

FAIRE DU MUSCLE POUR ÊTRE COSTAUD :

De plus en plus, la musculation intègre la préparation du joueur de hand. Pour tirer fort, évidemment. Pour faire preuve de robustesse en défense. Pour disposer d’une impulsion très dynamique, à l’instar de Rémi Desbonnet, portier de l’équipe national en dépit de sa taille de 1,83 m, exception au niveau mondial où les doubles-mètres règnent devant les cages, handicap qu’il compense par une explosivité sans équivalent. Ce travail consacré à lever de la fonte, sans surprise, nécessite des apports protéiques appropriés, mais aussi une gestion globale de la ration énergétique. Il faut en effet être « créditeur » sur le plan énergétique pour disposer des moyens nécessaires à fabriquer des protéines. Facile à dire, pas si facile à faire. En effet, le très haut niveau énergétique des rencontres rend les équipiers fortement dépendants de réserves de glycogène optimales ; saviez-vous que lors de courses à allure maximale, les glucides constituaient le carburant principal des muscles ? Pour répéter ces efforts jusqu’au money time il est indispensable, un peu à l’égal d’un marathonien, de s’assurer une surcharge glucidique sur 48 h. Or, la proximité des rencontres raccourcit les délais entre les séances. Les repas d’après-match, parfois pris au plus vite pour repartir à la maison lors des matches à l’extérieur, ne répondront pas toujours à cette contrainte. On est loin des rations millimétrées servies dans les bus des coureurs dès l’arrivée des étapes ! Pas sûr alors que le muscle puisse toujours disposer des ressources pour concilier ces différents impératifs de manière efficace.  Par ailleurs, culturellement le joueur de hand ne s’adonne pas spontanément aux pasta-parties les veilles de matches. Il ne s’inscrit pas non plus dans une démarche d’évaluation de ses apports glucidiques. Autrement dit, il doit certainement lui arriver régulièrement de s’entraîner le réservoir à moitié vide.

Sur le plan énergétique, ces différentes contraintes rapprochées justifieraient une stratégie proche de celles appliquées dans certains grands clubs de foot, où tous les apports sont disséqués et comptabilisés. Précaution superflue ? Rupture avec l’esprit du jeu ? On peut imaginer les réticences du milieu à s’engager dans cette voie. Mais eu égard aux enjeux qui se présentent aux équipes tricolores, aux turn over forcés, dans des effectifs aux renouvellements incessants, à cause de blessures, de méformes persistantes, d’épisodes infectieux qui déciment les effectifs, cette stratégie, sera tôt ou tard incontournable. Sinon, il deviendra impossible d’envisager la longévité de Guigou, Abalo ou Karabatic.  Les nouvelles générations de joueurs risquent plutôt de poursuivre des carrières de plus en plus courtes, et de vivre des retraites sportives de plus en plus douloureuses. La balle est dans le camp des encadrements…

ENCADRE 1 : Comment bien nourrir son cerveau de handballeur ?

La couverture optimale des besoins nutritionnels du cerveau repose sur le respect de principes qui concernent à la fois les aspects qualitatifs, quantitatifs et chronologiques de la ration.

Le petit déjeuner, idéalement, délivrera au moins 20 g de protéines, ce qui passe le plus souvent par la présence d’œufs, de jambon ou de bacon à ce repas. Cet apport permet d’assurer de manière optimale la synthèse des neurotransmetteurs, d’assurer un contrôle plus efficace des variations de l’insuline et de garantir le bon déroulement des synthèses protéiques, garantes d’une récupération optimale.

La commande motrice, du nerf vers le muscle, repose sur l’intervention d’un composant nommé l’acétyl-choline qui, en outre, participe au bon déroulement des processus mnésiques. Où trouve-t-on cette molécule ? Les aliments riches en lécithine nous en apportent. Il s’agit encore une fois des œufs, mais aussi du soja, des oléagineux, dont la consommation aux différents repas de la journée joue un rôle précieux à l’égard du cerveau.

L’apport glucidique compte aussi. Les céréales, les fruits secs, les fruits, par ailleurs grands pourvoyeurs d’anti-oxydants et de minéraux, viendront compléter ce repas déterminant pour quiconque veut optimiser la nutrition cérébrale.

L’apport de boisson énergétique lors des entraînements, y compris ceux consacrés à la musculation, éventuellement lors des séquences de récupération, préviendra beaucoup de dangers potentiels : réduction du stress oxydatif, limitation de l’immuno-suppression, maintien de l’intégrité de la muqueuse intestinale dépendront de la régularité de cet apport, et de la prise de quantités optimales.

Les deux repas principaux, idéalement diversifiés, apporteront à la fois des aliments riches en protéines (viande, volaille, poisson), des légumes crus ou cuits (avec de l’huile d’olive et une autre qui contienne des « oméga 3 » telle que colza, noix, lin, chanvre ou cameline), des féculents (si possible en variant les goût, légumes secs, riz, polenta, et pas seulement pâtes) et un laitage. Rien de révolutionnaire en somme. Mais entre les déplacements, les grillades entre équipiers, les fast-foods ou les sandwiches des aéroports, les petits déjeuners amputés en raison d’une fatigue qui inciterait à prolonger le temps de sommeil, les embûches sont nombreuses.  Contourner ces obstacles ne peut s’envisager qu’en intégrant l’importance du paramètre alimentaire, et en anticipant sur tous les problèmes potentiels que pourraient rencontrer les joueurs : petits déjeuners en commun à l’hôtel à l’extérieur, panier repas sur les déplacements, collations de récupération et d’après-match, éducation nutritionnelle auprès des joueurs des centres de formation et des sélections de jeunes, accompagnement des joueurs célibataires pour lesquels la cuisson des œufs reste une énigme, mise à disposition de corbeilles de fruits et de fruits secs dans les vestiaires (comme c’était le cas à Chelsea en 2008…) ne demandent pas d’énormes efforts. Juste de l’attention et de la détermination.

BIBLIOGRAPHIE :

(1)     : Baker LB, Conroy DE (2007) : Dehydration impairs vigilance-related attention in male basketball players. Med.Sci.Sports Exerc., 39 (6).

(2)     : Baker LB, Dougherty (2007) : Progressive dehydration causes a progressive decline in basketball skill performance. Med.Sci.Sports Exerc., 39 (7).

(3)     : Blomstrand E, Hassmen A (1991) : Effect of BCAA supplementation on mental performance. Acta Physiol.Scand. 143 (2).

(4)     :Cai Y, Lu D (2017) : Curcumin protects against intestinal origin endotoxemia in rat liver cirrhosis by targeting PCSK9. J.Food.Sci.

(5)     : Camus GM, Nys JR & Coll (1998) : Endotoxaemia, production of TNF-α and polymorphonuclear neutrophil activation following strenuous exercise in man. Eur. J. Appl.Physiol., 79 : 62-8.

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