Les protéines sont les bonnes à tout faire de notre organisme. Par leurs assemblages savants, elles constituent nos tissus: peau, cheveux, foie, cerveau, etc. Elles servent aussi de messagères et peuvent même être utilisées comme carburant d’appoint!
Les protéines forment la trame sur laquelle s’accrochent toutes les autres molécules de l’organisme. Sans elles, nos graisses fonderaient au soleil. Nos sucres se dissoudraient dans l’eau. Nos minéraux seraient dispersés aux quatre vents. Bref, si l’on compare le corps humain à une maison, les protéines constitueraient évidemment les murs qui supportent la bâtisse. Bien entendu, elles ne sont pas toutes identiques et s’adaptent aux besoins de l’organisme avec une remarquable acuité. Elles existent donc sous une multitude de formes différentes et nous sommes encore très loin de les avoir toutes identifiées, que ce soit dans le règne animal ou végétal. Cependant toutes les protéines de la terre possèdent ce point commun d’être constituées des mêmes éléments de base: une vingtaine de molécules différentes appelées acides aminés. Si l’on compare les protéines à des murs, ces acides aminés en sont les briques. Mais on peut les voir aussi comme les lettres de l’alphabet à partir desquelles on peut écrire tous les mots du dictionnaire. Chose étonnante: ces acides aminés sont communs à toutes les espèces vivantes: des lichens aux cacatoès, des morues aux éléphants de mer. Les hommes aussi bien sûr. En clair, toutes les protéines sont composées des mêmes éléments de base. Ces acides aminés sont donc bien au cœur de la création. Comment les assimile-t-on? Il existe différentes formules. Onze d’entre eux peuvent être synthétisés directement dans notre organisme. Mais pour les neuf autres, ce n’est pas possible. Ils doivent donc forcément être apportés par l’alimentation, raison pour laquelle on les qualifie habituellement d’acides aminés essentiels. Si, pour une raison ou pour une autre, l’un de ces acides aminés essentiels venait à manquer, la production de protéines connaîtrait des ratés inquiétants. Les cellules se retrouveraient en somme dans la situation d’un joueur de Scrabble privé de certaines lettres pour construire ses mots. Bien sûr, tout le monde n’a pas le génie de Georges Pérec, auteur de La disparition qu’il a écrit en se passant de la lettre « e ». Pour les acides aminés essentiels, les conséquences de déficits peuvent être très graves sur le plan structurel puisque, nous l’avons dit, les protéines constituent la charpente de tous nos tissus. Mais c’est également tragique sur le plan fonctionnel. En effet, les protéines interviennent dans l’élaboration d’une série d’outils de très haute précision tels les enzymes, les sucs digestifs, les hormones, les transporteurs, les anticorps, etc. Seule une alimentation diversifiée, avec des protéines d’origine animale et végétale, permet de conserver la machine en bon état de marche!




Faire et défaire, c’est toujours travailler
La digestion des protéines ressemble un peu à celle des glucides dans la mesure où l’on avale de longues chaînes de molécules que l’on scinde en une série d’éléments simples (acides aminés et peptides) qui seront ensuite libérés dans le sang. C’est dans ce réservoir que puiseront les divers tissus pour construire de nouvelles protéines. Par exemple, la myoglobine de la viande va être dégradée en acides aminés qui vont servir à fabriquer un grand nombre de protéines, y compris la myoglobine humaine. Tous ces peptides seront ainsi recomposés selon les besoins. Dans une rognure d’ongle par exemple, on trouvera peut-être des acides aminés ingurgités quelques mois auparavant sous forme de fromage ou de poulet. Comme nous perdons une centaine de grammes de protéines chaque jour, en raison de phénomènes d’usure ou de renouvellement des cellules, nous sommes donc obligés de compenser sans arrêt ces pertes via l’alimentation. Attention, la pratique du sport augmente légèrement la dégradation de protéines corporelles. Cela ne justifie pas que l’on se nourrisse de poudre de protéines, comme on le voit faire par un nombre grandissant d’athlètes, surtout dans les disciplines qui nécessitent de la force. Mais on doit veiller à pallier les pertes, et ceux qui renoncent, par exemple, à la viande pour des raisons éthiques ou de goût personnel, doivent privilégier les aliments de substitution comme les œufs, le poisson ou les laitages. En revanche, le végétalisme qui exclut toute alimentation d’origine animale s’avère presque impossible à équilibrer, surtout pour un sportif!
Et la brique devint bûche
En règle générale, les acides aminés intègrent des molécules beaucoup plus vastes et plus importantes qu’elles-mêmes. Mais il arrive aussi qu’elles fassent carrière en solo. C’est le cas par exemple de certains neurotransmetteurs chargés du transfert de l’information entre nos cellules nerveuses. Un défaut dans la synthèse ou le recyclage de ces molécules se traduira inévitablement par une altération des fonctions cérébrales. Voilà comment la diététique peut jouer sur l’humeur ou les capacités d’attention. On connaît d’autres exemples de recyclage immédiat comme dans le cas de la tyrosine qui intervient dans la constitution des hormones thyroïdiennes. Enfin, ces acides aminés ne se contentent pas de ce rôle de « précurseurs » comme disent les biochimistes. Dans des conditions d’urgence, certains d’entre eux peuvent servir de carburant d’appoint. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on arrive au bout de ses réserves de glycogène. Evidemment le tirage n’est pas le même et les déchets s’accumulent. Un peu comme si, faute de bois, on alimentait le poêle avec des vieux journaux. Autre problème: en brûlant les acides aminés -du moins certains d’entre eux- on réduit leur disponibilité pour d’autres réactions métaboliques importantes. Cela pose problème pour une série de trois acides aminés de la famille des ramifiés (valine, leucine, isoleucine) qui représentent à eux seuls, près des 3/4 des acides aminés dégradés à l’exercice. Or ces acides aminés ramifiés doivent normalement remplir d’autres fonctions déterminantes dans l’organisme, notamment dans la lutte contre les infections. On a évoqué cette réaction pour expliquer la fragilité immunitaire des sportifs dans les heures qui suivent immédiatement la fin de l’après l’effort, pendant lesquelles on chope facilement tous les petits microbes qui traînent. D’où le conseil classique des entraîneurs de bien se couvrir après l’effort. Tout cela pour une histoire de protéines!
Enfin une formule utile!
Les discours des diététiciens font allusion à un tas de notions qui ne correspondent pas vraiment à nos habitudes culinaires. Par exemple, ils nous conseillent de répartir les sources énergétiques avec 55% de glucides, 30% de lipides et 15% de protides. Mais cela ne nous aide pas beaucoup à remplir notre chariot dans les allées des supermarchés. Les aliments usuels ne sont pratiquement jamais constitués d’une seule catégorie de constituants. Il s’agit toujours de mélanges. Dans une pizza, par exemple, on trouve de l’amidon (farine), des graisses végétales (huile piquante), des graisses animales (fromage), des glucides (tomates), etc. Alors, à moins d’avoir une connaissance extrêmement précise de la composition de toutes les denrées qui interviennent dans la recette et aussi un formidable boulier compteur dans la tête pour tenir l’évaluation des apports, ces différentes théories sur la répartition des sources énergétiques s’avèrent complètement inutilisables à l’échelle de l’individu. Il en va de même pour la plupart des conseils de diététique qui sont très difficiles à appliquer dans la vie de tous les jours. La veille d’une épreuve, on soulignera par exemple l’importance de recharger les réserves en glycogène. Mais ce terme ne figure évidemment pas sur la carte du restaurant! Il y aura des spaghettis à la carbonara, des pennes au pistou, mais rien à base de glycogène! Comment s’y retrouver? Ces questions sont récurrentes chez des sportifs qui veulent introduire un peu plus de rigueur dans leurs habitudes alimentaires. Mais, à chaque fois, ils se heurtent au caractère hermétique des explications. Différents auteurs se sont donc efforcés de présenter les choses un peu différemment. Parmi toutes les solutions qui ont été proposées, le concept du « 421 GPL » n’est pas le plus idiot! Cette formule, évocatrice d’un carburant magique, vise en réalité à permettre au sportif, par le biais d’un petit moyen mnémotechnique facile, de retenir les règles d’une alimentation équilibrée. Les lettres font référence aux trois catégories de nutriments énergétiques: glucides (G), protides (P) et lipides (L). Le nombre 421 se réfère aux proportions. Il indique que l’on doit manger quatre portions d’aliments riches en glucides (pâtes, riz, fruits, légumes) pour deux portions d’aliments riches en protides (viandes, poissons) et une portion d’un aliment riche en lipide (fromage). Voilà, c’est tout. Avouez que l’on peut difficilement faire plus simple!


Denis Riché –Sport et Vie – Hors Série n18 – 2003
Photos : MCC
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