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ALCOOL & SPORT : seul l’abus est dangereux…mais l’abus de quoi au juste ?

par | 21 Sep, 2023 | 0 commentaires

A la fois drogue, dopant ou composant alimentaire, l’alcool éthylique ou « éthanol » se présente d’abord comme une substance potentiellement dangereuse et nullement indispensable d’un strict point de vue hygiénique. Son métabolisme génère divers dérivés qui font l’objet d’une utilisation vite limitée. Elle s’effectue principalement dans le foie, le muscle s’en montrant relativement peu friand.

L’éthanol ne constitue aucunement un carburant d’appoint pour le muscle .Son absorption, même en quantité modérée, représente dans le cadre d’un régime. Il n’en va pas forcément ainsi pour un sportif se trouvant à son poids de forme, notamment s’il porte son choix sur le vin rouge, dont on  a démontré de façon impartiale certaines vertus hygiéniques.

On sait que la consommation d’alcool affecte les processus impliqués dans le métabolisme aérobie. L’alcool exerce plusieurs effets néfastes, à l’origine de contre-performances. Il freine, et dans certains cas bloque complètement, l’élimination de certains déchets tels que l’acide lactique qui contrarie le déroulement de la contraction musculaire. Il détermine également une perte partielle de coordination gestuelle (synonyme de baisse de rendement), qui influe négativement sur la performance. Les doses qui entraînent une altération de ce processus sont bien plus faibles que celles qui provoquent l’ébriété. En récupération, l’alcool ne convient pas non plus

« L’âne ne boit que quand il a soif, mais c’est parce qu’il ne boit que de l’eau. »

(Béoraste de Vereilles- penseur médiéval).

A- UN CARBURANT ANORMAL :

 

Produit qu’on peut considérer à la fois comme drogue, dopant ou composant alimentaire, l’alcool éthylique ou « éthanol » se présente d’abord comme une substance potentiellement dangereuse et nullement indispensable d’un strict point de vue hygiénique. Son utilisation fournit de l’énergie (7,1 calories par g), mais il se différencie des glucides et des lipides, autres sources d’énergie de nos tissus, par au moins trois aspects :

 

  • Il est étranger au corps, et à l’inverse des glucides ou des lipides il n’en existe aucune forme de stockage. Tout apport d’éthanol donne lieu à une utilisation instantanée.
  • Son métabolisme génère divers dérivés qui font l’objet d’une utilisation vite limitée. Elle s’effectue principalement dans le foie, le muscle s’en montrant relativement peu friand.
  • Sa dégradation hépatique s’effectue à une vitesse constante, indépendante de la concentration sanguine d’éthanol.

 

Ces deux dernières caractéristiques font qu’après un repas bien arrosé la dégradation de l’éthanol s’effectue à la même vitesse chez un employé de bureau qui passe l’après-midi assis et chez un bûcheron qui quatre heures durant découpe du bois. L’éthanol ne constitue aucunement un carburant d’appoint pour le muscle, nous y reviendrons.

 

Sitôt ingéré, l’alcool gagne la circulation et passe une première fois au niveau du foie. Il diffuse également aux autres organes, de façon plus ou moins importante selon les quantités absorbées, la teneur en alcool du produit utilisé, et les circonstances (prise isolée ou au cours d’un repas, voir la figure 13). Ainsi, en cas d’apport brusque, par exemple quand on prend plusieurs verres consécutivement ou qu’on ingère un alcool fort, les capacités de dégradation du foie ne permettent pas un traitement complet du toxique. La vitesse d’utilisation de l’éthanol se situe en effet, selon les individus, entre 60 et 200 mg/kg.heure, la moyenne étant de 100 mg/kg.heure.

 

Exemple :

 

Un individu de 65 kg ingère 30 g d’alcool en un délai très court. Ceci correspond à 250 ml de vin ou 850 ml de bière ou 70 ml de spiritueux. Il peut brûler en une heure :

 

(0,1 g) x (65) = 6,5 g d’éthanol.

 

Il lui faudra donc, pour se débarrasser totalement de celui-ci : 30/6,5 = 4 heures et demie.

 

Dans cette situation où l’afflux d’éthanol dépasse les possibilités de dégradation du foie, l’alcoolémie (c’est-à-dire le taux d’alcool dans le sang) va s’élever, traduisant ainsi que les quantités apportées (par la boisson), dépassent celles qui sont éliminées au niveau du foie, par la sueur et par les urines. De l’alcool pénètre alors dans le cerveau et diverses anomalies vont en résulter, telles que le rétrécissement du champ visuel, le ralentissement des réflexes et des processus mentaux, la perte partielle de la coordination, l’ivresse voire le coma, selon une élévation croissante de l’alcoolémie. A long terme, la répétition des épisodes d’alcoolisation ou l’ingestion excessive d’éthanol (*), altèrent l’état de santé et engendrent des pathologies incompatibles avec la pratique sportive : cirrhoses, troubles nerveux et psychiatriques, dénutrition.

 

Certains effets secondaires peuvent survenir avec une ingestion aussi faible que 20g/j (voir le tableau), alors que le risque de survenue de certains cancers augmente dès qu’on dépasse des doses ridiculement faibles (voir le d). A cet égard, les femmes tolèrent de moindres doses que les hommes. Pourquoi? 

 

  • La fraction de notre organisme qui dilue l’éthanol correspond en gros à la masse maigre. Or comme on l’a vu, les femmes présentent une masse adipeuse supérieure à celle des hommes, de sorte que le volume d’accueil de l’alcool est moindre. L’alcoolémie et les teneurs tissulaires augmentent donc davantage.
  • Les enzymes hépatiques qui catalysent la dégradation de l’alcool ne fonctionnent pas de manière aussi efficace chez les représentantes du beau sexe. L’alcool s’accumule donc dans l’organisme à partir de doses plus faibles

 

(*) : La notion d’excès ne peut se définir que par rapport à un individu. Certains tolèrent des doses apparemment élevées sans dommage visible, alors que d’autres (notamment en Orient), en pâtissent dès le premier verre. Interviennent dans cette discrimination des facteurs génétiques, culturels, l’état de nutrition préalable, le mode d’alcoolisation (alcools forts ou boissons fermentées), mais pas du tout l’activité physique.

B- ON N’EN TROUVE PAS QUE DANS L’EAU FERRUGINEUSE :

 

Les différentes boissons alcoolisées se caractérisent par leur richesse en éthanol. Comment évalue-t-on celle-ci? L’unité choisie est le « degré ». Il s’agit du « pourcentage du volume qu’occupe l’alcool ». Un litre de vin à 10° renferme donc 100 ml d’alcool. Compte tenu de la valeur de la densité de l’éthanol (0,8), ceci signifie qu’un litre d’une boisson à 10° fournit 80 g d’alcool pur.

 

Exemple :

Un individu consomme trois verres de vin à 11° au cours d’un repas. On considère que chaque verre correspond à un volume de 100 ml. On peut alors calculer la quantité Q d’alcool ingérée :

Q = (nombre de verres) x (densité de l’éthanol) x (volume d’un verre) x (degré de la boisson)

Q = 3 x 0,8 x 100 x 0,11 = 26,4 g.

 

On distingue classiquement deux catégories de boissons alcoolisées, se différenciant sur la base de leur teneur en alcool et de leur mode d’obtention :

  • les alcools « fermentés », qui résultent de l’action de micro-organismes sur les sucres des végétaux. Il s’y range les vins, les bières, les cidres, les poirés. Leur degré alcoolique ne dépasse jamais 14° (dans le cas de certains vins, mais le plus souvent ceux-ci affichent 11°, contre 4-5° pour la bière et moins de 3 pour le cidre). Les variantes « sans alcool », qui d’un point de vue légal, en renferment moins de 1°, constituent des alternatives intéressantes pour les amateurs de bière.
  • les alcools « distillés ». Comparativement aux précédents, ils ont subi une opération supplémentaire qui les a appauvris en eau et, par conséquent, a élevé leur teneur en alcool. Leur degré d’alcool se révèle souvent double ou triple des préparations précédentes, les boissons anisées, le whisky, la vodka, le rhum, affichant autour de 40 à 50°. Cette catégorie de boissons se distingue également, comparativement à la première, par sa pauvreté en vitamines et minéraux, qui leur ôte indiscutablement toute valeur nutritionnelle. 

C) ALCOOL ET PRATIQUE SPORTIVE:

 

C-1) Alcool au quotidien :

 

«La santé, c’est une réflexion sur soi » (Paul Géraldy). 

 

Le sport véhicule une image de santé, ce que ne portent pas, en général, les boissons alcoolisées. Leur ingestion est-elle, malgré tout, compatible avec une pratique régulière de l’exercice ?  Il convient, sur ce plan, de distinguer deux situations : l’ingestion quotidienne d’une quantité modérée de boissons alcoolisées en période d’entraînement d’une part, et d’autre part l’influence sur la performance d’une consommation d’éthanol effectuée peu avant, voire pendant une activité. Nous allons d’abord évoquer ce premier point. A long terme, une consommation certes modérée d’alcool pourrait favoriser la survenue d’ostéoporose, le conditionnel s’imposant du fait qu’une activité sportive régulière exerce une influence inverse, et qu’on ne peut pas prédire quel sera finalement la résultante de ces deux actions antagonistes.

 

Sur le plan nutritionnel, on déplore la relative pauvreté en « éléments plastiques » des boissons alcoolisées. Certes, la bière ou le vin renferment des vitamines et de précieux auxiliaires, mais bien des aliments se caractérisent, sur ce plan, par une teneur supérieur en vitamines ou minéraux.  Les spécialistes désignent d’ailleurs l’énergie apportée par les boissons alcoolisées sous le terme de « calories vides ». Ce néologisme signifie qu’elles contiennent insuffisamment de vitamines et de minéraux comparativement à leur richesse énergétique. Rappelons qu’un gramme d’alcool délivre 7,1 kcal, et que de surcroît certains alcools forts (classés parmi les « distillés »), renferment également beaucoup de glucides à index élevé, ce qui déséquilibre notoirement la ration et perturbe le métabolisme. De plus, certaines vitamines sont davantage dégradées ou éliminées en quantité accrue sous l’effet de l’éthanol. Certains minéraux tels que le magnésium voient eux aussi leur excrétion urinaire s’accroître. L’éthanol exerce donc une action néfaste à double impact.

Par ailleurs, la consommation d’alcool chez des sujets désireux de perdre du poids ou astreints à une diététique sévère n’apparaît pas non plus judicieuse : L’ingestion quotidienne de 40 g d’éthanol représente 280 kcal qu’aurait fourni, sans cela, la combustion de 30 g de lipides de réserve. Comme de plus ce composé favorise la formation de graisses de réserve, on comprend tout le handicap que son absorption, même en quantité modérée, représente dans le cadre d’un régime. Il n’en va pas forcément ainsi pour un sportif se trouvant à son poids de forme, notamment s’il porte son choix sur le vin rouge, dont on  a démontré de façon impartiale certaines vertus hygiéniques.

Les femmes doivent faire preuve d’une plus grande tempérance que les hommes, et se limiter à une ingestion moyenne ne dépassant pas 10 g d’alcool par jour, contre 30 pour les hommes.

Un verre de vin rouge par repas, sauf les veilles et les jours de compétitions, peut agir favorablement sur l’organisme. Mais d’une façon générale, l’alcool et l’effort physique font plutôt mauvais ménage. 

 

C-2) L’alcool comme « ergogène » ?

 

Venons-en maintenant au second point ; à une époque, certains scientifiques ont avancé, sans disposer pour autant d’arguments expérimentaux pour étayer leurs dires, que l’administration d’éthanol pouvait améliorer les performances. En termes modernes, l’alcool serait un « ergogène ». On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien, des décennies d’études ayant permis de rétablir la vérité à ce sujet. Au cours des premiers travaux entrepris, on administrait des quantités relativement modérées d’éthanol. Aucune amélioration des résultats ne s’était ensuivie. Plusieurs expériences ont en outre démontré que si on consommait de l’alcool avant un exercice on observait une diminution de la fréquence de contraction du muscle, ce qui a évidemment une incidence négative sur la capacité à l’effort. La prise d’éthanol affecte également la ventilation, c’est-à-dire notre aptitude à inhaler tout l’oxygène nécessaire et à l’envoyer vers les tissus. En outre, des études ont montré que l’alcool accroît la vasodilatation cutanée, c’est-à-dire la quantité de sang qui est détournée vers la peau et échappe aux muscles. Ceci s’accompagne d’une sudation supérieure, ce que soulignent beaucoup de témoignages d’athlètes, et d’une diminution de l’irrigation des muscles actifs, ce qui évidemment nuit au déroulement de l’activité. Lors d’exercices effectués dans le froid cette vasodilatation cutanée, passé le coup de fouet initial qui a fait attribuer à tort des propriétés « anti-froid » à l’alcool, accélère la déperdition de chaleur. Le verre de vin chaud avalé à la pause entre deux séquences de ski se révèle, à cet égard, particulièrement péjoratif. L’éthanol altère les aptitudes physiques par le biais d’autres mécanismes :

 

  • Il perturbe les processus de conservation de l’eau, ce qui peut favoriser la survenue de la déshydratation en cours d’activité. Cet effet diurétique pourrait par contre, en phase de récupération, constituer un avantage, du fait que l’absorption d’alcool au terme d’un exercice favoriserait alors l’élimination des déchets. Aucune étude n’a cependant démontré cette propriété hypothétique de façon formelle. Rien ne justifie actuellement l’ingestion de bière après un marathon, même s’il s’agit d’une habitude très solidement ancrée.
  • Il bloque partiellement un processus hépatique complexe, la « néoglucogénèse », qui consiste à fabriquer du glucose à partir de composés non glucidiques tels que l’acide lactique, en partie libéré par les fibres sollicités par l’exercice, par le glycérol ou par certains acides aminés tels que certains des « ramifiés ». A l’occasion d’exercices prolongés ou entrepris à distance d’un repas, cette caractéristique peut occasionner une hypoglycémie prématurée ou une accélération de l’épuisement du « super », ces deux situations  favorisant la survenue de défaillances. L’hypoglycémie peut persister au repos après l’effort, ce qui peut affecter le déroulement de la récupération. 
  • Il favorise l’élévation en cours d’exercice du taux de certains déchets tels que l’acide urique, phénomène susceptible d’influer négativement sur la récupération.

 

Ces diverses actions de l’éthanol peuvent expliquer les résultats obtenus après son administration dans le cadre d’études codifiées. L’action négative de l’alcool a ainsi été clairement démontrée en 1986 au cours d’une expérience ayant consisté à administrer des doses croissantes d’alcool à des spécialistes du sprint ou du demi-fond (jusqu’au 1500 m inclus). Qu’a-t-on constaté? A partir du 200 m, toutes les performances ont été abaissées, parfois de manière très marquée. Le cas des distances supérieures n’a pas été abordé dans ce travail, mais il semble tout à fait évident que les anomalies relevées sur des exercices brefs et intensifs se retrouvent similaires voire amplifiées (dans le cas de la déshydratation, de la diminution de la force de contraction du coeur par exemple), lors d’exercices de longue durée.

 

C-3) La consommation d’alcool avant un effort est-elle néfaste?

On sait que la consommation d’alcool affecte les processus impliqués dans le métabolisme aérobie, ce qui peut affecter les performances en demi-fond et dans les sports d’endurance. Boire avant d’aller courir ou pédaler ne constitue donc pas une très bonne idée.  

En va-t-il de même sur des distances plus courtes où la brièveté de l’effort pose des contraintes différentes, et où le recours à l’alcool s’est vu proposé de longue date dans le but d’améliorer les chronos? Observons ce que les scientifiques ont noté à ce sujet. Dans un travail récent on a demandé à un groupe d’athlètes australiens de bon niveau ( spécialistes du 100, 200, 400 ou du 800-1500 m), d’effectuer avec un espacement suffisant des tests sur leur distance de prédilection dans différentes situations : Dans un cas ils buvaient du jus d’orange avant l’effort, alors que dans les autres ils ingéraient une solution de vodka à l’orange à des teneurs alcooliques variables. L’ordre dans lequel s’effectuaient ces essais dépendait d’un choix  aléatoire. 

Les résultats de cette expérience se sont révélés très significatifs : A l’exception du 100 m,  non affecté par la prise préalable ou non d’alcool, tous les chronos se sont dégradés après consommation de vodka. En outre, plus les quantités administrées étaient importantes, et plus la baisse se révélait nette. L’alcool exerce plusieurs effets néfastes, qui expliquent ces contre-performances. Il freine, et dans certains cas bloque complètement, l’élimination de certains déchets tels que l’acide lactique qui contrarie le déroulement de la contraction musculaire. Il détermine également une perte partielle de coordination gestuelle (synonyme de baisse de rendement), qui influe négativement sur la performance. Les doses qui entraînent une altération de ce processus sont bien plus faibles que celles qui provoquent l’ébriété, état qui se caractérise par des perturbations cérébrales bien connues de tous. Autrement dit, si l’ingestion d’un verre de vin au cours des repas fait partie des habitudes désormais encouragées par le corps médical, on doit veiller à adapter cette mesure lorsqu’on pratique un sport. L’alcool est à proscrire, même à petite dose, avant un effort intense ou une compétition.

C-4) Et en récupération?

Le caractère bénéfique supposé de la bière fait partie des mythes largement répandus dans le milieu sportif, sans doute parce qu’on y compte beaucoup d’amateurs de houblon et que la consommation de cette boisson faiblement alcoolisée bénéficie d’une complaisance supérieure, dans ce milieu particulier, à celle des autres boissons alcoolisées. Celles-ci se trouvent affectées d’une connotation plutôt négative, même si l’image du vin tend à s’améliorer ces dernières années, notamment grâce aux découvertes des scientifiques qui ont démontré les vertus hygiéniques du vin rouge absorbé en quantités modérées. Quoiqu’il en soit, on présente 

la bière comme une panacée après l’effort, et c’est tout juste si celui-ci qui n’en boirait pas à ce moment-là ne souffrirait d’un handicap, comparativement à d’autres qui descendraient une ou deux cannettes sitôt le pied posé à terre. Cette conception est pour le moins erronée ; certes ce breuvage possède d’incontestables vertus diurétiques, mais celles-ci s’expriment difficilement après un effort prolongé ou intensif, dans la mesure où l’organisme a mis en oeuvre des processus de conservation de l’eau qui se poursuivent tant que le volume hydrique corporel n’est pas restauré, et surpassent la possible influence antagoniste de la bière. De plus, si un sportif déshydraté ne se met pas à pisser s’il avale une bière : Il lui en faut parfois 5 ou 6 d’affilée pour satisfaire aux besoins du contrôle anti-dopage, et dans ce cas c’est tout simplement l’excédent de liquide plutôt que sa nature qui doit être mis en cause. De toute façon, le principe-même de cette démarche encore répandue est à remettre en cause ; est-il vraiment souhaitable de rechercher une boisson diurétique au moment où les réserves hydriques de l’organisme sont entamées? En théorie, en effet, cela pourrait aggraver ce déficit. 

N’oublions pas que la priorité, sitôt l’effort terminé, consiste à restaurer le volume plasmatique (la partie liquide du sang). Une fois cet objectif atteint, les vertus diurétiques de certaines boissons pourront alors commencer à s’exercer. De ce fait, c’est dans un second temps que la bière pourra se révéler efficace et aidera à éliminer certains déchets formés à l’effort. Cette boisson se caractérise encore par son extrême pauvreté en sel, qui n’a d’égal que celle du coca. Cette particularité lui confère-t-elle une supériorité par rapport à d’autres boissons? Il semble que non, et ce pour deux raisons. D’une part, si un liquide délivre un peu de sodium en phase de récupération il va permettre une restauration plus rapide du volume plasmatique, et parfois même celui-ci va atteindre un niveau supérieur à celui qu’on observait avant l’effort. 

Indépendamment du bénéfice qui en résulte sur le plan circulatoire (on dispose d’un sang plus fluide), ceci présente un évident avantage : La solubilisation des déchets s’opère plus aisément.

Cette diminution du risque de cristallisation, notamment au niveau rénal, se révèle à terme aussi importante que la rapidité d’élimination des déchets. Or pauvre en sel, on l’a vu, la bière ne permettra pas la survenue d’un tel phénomène. De fait, en dépit de propriétés diurétiques démontrées au repos chez un sujet normalement hydraté, elle ne permettra pas du tout de mieux récupérer qu’avec une boisson énergétique appropriée. La bière ne constitue donc pas le choix le plus judicieux immédiatement après un exercice. 

Au-delà de la question d’un éventuel effet diurétique en phase de récupération, on pourrait également s’interroger quant au bien-fondé de l’apport d’alcool éthylique immédiatement après un effort. Rapidement absorbée, plus vite parvenue au cerveau que si on l’administre au cours d’un repas, cette substance pourrait-elle affecter plus rapidement certaines fonctions cérébrales que si on l’ingérait au repos? Cela dépend beaucoup des individus. Ce qui par contre semble moins contestable, c’est que cet alcool va perturber le métabolisme et pourra influer sur l’aptitude de notre organisme à restaurer la glycémie. Pour toutes ces raisons, et en dépit d’une teneur vitaminique et glucidique qu’on pourrait juger intéressante, la bière ne nous paraît guère recommandable après un effort. A notre sens, il vaudrait mieux laisser passer quelques heures pour profiter de ses bienfaits et la savourer sans souci.

ENCADRÉ : Le paradoxe français :

 

Aussi loin que remontent les enquêtes de santé publique, on a constaté un lien ténu entre la consommation d’alcool et la mortalité globale. Et contrairement à ce qu’on pourrait penser, il ne s’agit pas d’une relation linéaire : La courbe traduisant le rapport entre ingestion d’alcool et mortalité se présente en effet comme un « U », le risque minimal ne correspondant pas à une consommation nulle, mais modérée. On a avancé, à une époque, que le fort contingent d’anciens alcooliques dans le groupe de ceux qui n’ingèrent pas d’alcool faussait les données, dans la mesure où leur abstinence s’accompagnait d’un risque supérieur, celui associé à leur intempérance passée. Mais cela n’explique pas tout ; ceux n’ayant jamais bu la moindre goutte d’alcool ou n’en ingérant que très occasionnellement, apparaissent moins protégés que les individus dont la consommation se situe entre 10 et 30 g/jour. En fait, le risque de maladie cardio-vasculaire se situe à son niveau le plus faible jusqu’à 80 g/j, mais la probabilité de cancer augmente dès qu’on dépasse 10 g/j. Ceci explique que la mortalité globale s’accroisse au-delà de 30 g/j d’alcool. Les femmes semblent devoir faire preuve d’une modération encore plus drastique, puisque au-delà de 2 doses par semaine le risque de cancer du sein s’accroît. Les études menées par la suite ont révélé que, davantage que la consommation d’alcool, c’est le type de boisson ingéré qui exerce un effet protecteur. Dès 1979 on a établi que seul le vin avait une action protectrice et contribuait à l’existence de ce que les spécialistes nomment le « paradoxe français ». Restait à établit le ou les constituants en cause, ce qui promettait un travail difficile en regard des 2000 composants actuellement recensés dans ce breuvage. On a cependant pu rapidement identifier les agents responsables. Les chimistes les nomment « flavonoïdes », famille englobant de multiples constituants tels que les anthocyanes ou les tannins, tirés respectivement des pellicules et des pépins de raisin au cours de la macération de la vendange dans le jus (*). Cette origine bien spécifique singularise le vin rouge des autres. Lui seul possède les vertus décrites, et les amateurs de vins blancs apparaissent, pour cela, plus vulnérables. 

 

Agissant comme facteur d’épargne de la vitamine C (anti-oxydant notoire), ces produits se sont encore vus appeler par le passé « vitamine P » ou « facteur C2 ». Les flavonoïdes protègent par de multiples actions le collagène, protéine particulière très représentée dans les tissus de soutien et les capillaires, ce qui pourrait participer à l’action protectrice du vin rouge vis-à-vis des maladies cardio-vasculaires. Les flavonoïdes se distinguent encore par leur action sur la coagulation sanguine et par leur activité anti-oxydante. Ils réduisent ainsi l’agrégation des plaquettes, ce qui abaisse sensiblement le risque de maladie cardio-vasculaire. Cette propriété dUe au marc de raisin, et par suite au vin rouge, ne s’observe qu’à des doses raisonnables. En effet si on en ingère en quantité exagérée les effets négatifs prédominent. On comprend donc en quoi la modération, seule, est garante d’une bonne santé.

Cela étant, dans la mesure où seulement une infime partie des constituants du vin intervient directement dans l’effet physiologique en cause dans le « paradoxe français »,  une question mérite d’être soulevée : Ne retrouverait-on pas les mêmes effets avec du vin désalcoolisé, voire des extraits de marc de raisin riches en flavonoïdes ou du raisin frais? Plusieurs données scientifiques suggèrent que non, la fermentation alcoolique favorisant spécifiquement l’apparition des substances protectrices.

 

 

(*) : Ainsi, un autre constituant de certains vins, le resvératrol, produit par la baie de raisin en réponse à une attaque fongique particulière, présente-t-il lui aussi des propriétés thérapeutiques, utilisées dans le cadre de la médecine orientale pour lutter… contre les maladies cardiaques. Il inhiberait l’oxydation du « mauvais » cholestérol (le « LDL »), processus en jeu dans l’athérosclérose.

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 Denis Riché, 2001

Photos : MCC

Le 15ème livre de Denis Riché sera publié le 18 janvier 2021.

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