loader image

Toujours « Verts » ou le Sport comme élixir de jeunesse

par | 22 Sep, 2023 | 0 commentaires

On a longtemps pensé que l’âge entraînait inéluctablement une chute des capacités physiques. Diverses études scientifiques avaient même chiffré ce débours entre 10 et 15% de VO2 Max par décennie. Mais cette vision fataliste vient d’être battue en brèche par de nouvelles études à la fois plus sérieuses et plus réconfortantes!

La vague du jogging qui, à la fin des années 70, est venue se greffer sur l’activité athlétique traditionnelle a permis de tourner le dos à une pratique de la course à pied essentiellement axée sur la performance. Chacun pouvait se mettre à courir selon ses moyens et son envie. Beaucoup de quinquagénaires se sont alors piqués au jeu et actuellement les vétérans constituent près de la moitié des coureurs lors des épreuves organisées dans l’Hexagone. Cet engouement a offert un merveilleux terrain de recherche aux scientifiques qui de tout temps se sont intéressés aux effets de l’âge sur la forme physique. Grâce à ces joggeurs aux tempes blanches, ils purent disposer à la fois d’un intéressant recul, l’arme favorite des statisticiens, et d’un bon « échantillonnage ». De nouveaux protocoles scientifiques ont permis alors de rectifier les conclusions trop hâtivement tirées sur l’implacable sénescence des athlètes. L’étude la plus significative fut entreprise à l’Université de Ball State (10). Elle consistait à réunir des anciens coureurs qui, en 1970, appartenaient tous à l’élite mondiale du demi fond. Parmi eux figuraient des champions tels que Frank Shorter, Derek Clayton ou Jeff Galloway. En tout, trente-sept vieilles gloires qui se sont prêtées de bon coeur à cette investigation. On leur proposa de passer une série de tests sportifs à l’issue desquels les chercheurs purent très facilement constituer trois groupes distincts.

– Le premier groupe était constitué de parfaits sédentaires. En rangeant shorts et pointes, ces champions avaient mis un point final à leur activité sportive.

– Le deuxième groupe rassemblait des athlètes écoeurés par les astreintes du sport de compétition mais qui gardaient néanmoins la forme en se livrant régulièrement à un simple jogging d’entretien.

– Le troisième groupe était formé de fanatiques qui, malgré leur retraite du circuit, ne s’étaient pas lassés de l’ambiance des compétitions et ne perdaient jamais une occasion de se mesurer aux jeunes loups. Ceux-là avaient donc conservé un important volume d’entraînement. 

Pour qui sonne le glas?

Chaque groupe permit une évaluation relativement précise des dérives de la forme en fonction de l’âge. Considérons d’abord les huit retraités du premier groupe. Chez eux, on a effectivement relevé une chute caractéristique de la valeur de VO2 Max, chiffrée à environ 15% par décennie. Le pouls maximal a décru de 12 battements, alors que le rendement musculaire s’est effondré et la foulée nettement raccourcie. Ces ex-athlètes étaient bien loin de leur splendeur passée!

Dans le deuxième groupe, celui des dilettantes, on a remarqué une chute moins brutale de la VO2 Max, d’environ 9% par décennie. Chez ces 18 ex champions, la déchéance athlétique était donc moins rapide qu’on ne l’avait imaginé.

Mais le plus étonnant restait à venir avec l’étude du troisième groupe, celui des acharnés qui mangeaient du bitume comme lors de leurs plus belles années. Chez ces 11 derniers sujets, la VO2 Max n’avait pas bougé et, plus étonnant encore, le pouls maximal, l’économie de course et la longueur de la foulée était restés au même niveau qu’à l’époque de leur gloire, soit, en moyenne, 22 ans plus tôt. Pour une surprise, c’était une surprise! Dans un numéro spécial de « Running Research News », notre confrère américain Owen Anderson a voulu en savoir plus sur cette observation a priori révolutionnaire (1).

En questionnant ces 11 athlètes sur leur mode de vie, il s’aperçut que la plupart d’entre eux étaient restés dans le milieu de la course et, devenus coaches de renom, ils continuaient à s’entraîner à des intensités de travail élevées, n’hésitant pas à accompagner leurs athlètes lors des sorties en forêt. Un exemple très significatif est celui du physiologiste Ken Sparks qui, à l’âge de 49 ans, couvrait le « mile » en 4’20 », soit une moyenne supérieure à 22 km/h! Selon lui, seules les séances accomplies à vitesse maximale garantissent la conservation des fibres rapides qui, sinon, s’abîment rapidement avec l’âge. Du point de vue physiologique, on observe en effet que passé la quarantaine, l’activité des nerfs qui commandent ces fibres rapides commence à se réduire et d’anciennes connections disparaissent (4, 7). Or la mort de ces fibres se traduit par une perte de vitesse et de puissance. Les fibres lentes, pour leur part, se montrent plus résistantes, ce qui explique que les vétérans possèdent en général de bonnes qualités d’endurance.

Ainsi, pour peu qu’on échappe aux pathologies d’usure, à la perte de motivation et à un emploi du temps qui ne laisse plus guère de place à l’entraînement, on peut parfaitement rester compétitifs même à l’âge canonique de 40 ou 50 ans. Dans le florilège d’exploits d’athlètes de plus de 40 ans, nous ne prendrons pour preuve que l’exemple du marathonien néo-zélandais Jack Foster, dit « vieille chèvre » qui, en 1974, à près de 42 ans, établissait la 3e performance mondiale de l’année en 2 heures 11 minutes 18 secondes

Autrefois, la tradition voulait que la retraite sportive survienne aux alentours de 30 ans. Aujourd’hui, à la lumière de ces connaissances et grâce aux progrès notamment en chirurgie qui permettent de prolonger sensiblement les carrières, on rencontrera certainement de plus en plus de vétérans capables de rivaliser en compétition avec des athlètes beaucoup plus jeunes. Les exemples de Francesco Moser, de Gilbert Duclos-Lassalle, du fondeur italien De Zolt ou de l’athlète français Roland Vuilleminot, qui, à 47 ans, met moins de 6h 45 sur 100 km nous montrent déjà la voie à suivre. 

Le trésor des « quincas »

L’étude de plusieurs populations au mode de vie ancestral montre bien que la vitalité décline plus tardivement qu’on ne l’imagine ici dans le confort d’une vie sédentaire. Les Lapons, par exemple, continuent à chasser et à couvrir des milliers de kilomètres jusqu’à l’âge de 55 ans. Leur VO2 Max ne bouge quasiment pas pendant toutes ces années. Mais dès que les vieillards écartés des transhumances découvrent l’oisiveté, leur aptitude physique dégringole et leur VO2 Max rejoint vite le niveau très bas d’un retraité occidental peu actif. D’autres peuplades très étudiées, les Indiens centenaires Hunza, les Tarahumaras du Nouveau Mexique (2) ou les Boliviens de Vilcabamba (9) partagent cette caractéristique de conserver une vie active bien au delà d’un âge correspondant, chez nous, à celui de la retraite. Pour certains gérontologues, ce dynamisme constitue une des clefs de la longévité, au même titre que la sagesse alimentaire ou l’hérédité.  

Article paru dans Sport & Vie – 2001 – numéro 26

photos : MCC

BIBLIOGRAPHIE :

(1) ANDERSON O (1993): Running Res.News, 9(6): 1 5.

(2) BALKE B, SNOW L (1965): Am.J.Physiol.Anthrop., 23: 293 302.

(3) DAVIES C, THOMAS D & Coll (1986): Acta Med.Scand., (Suppl. 711: 219 26.

(4) GRIMBY G, ANIANSSON A & Coll (1984): Clin.Physiol., 4: 189 94.

(5) KAVANAGH T, SHEPHARD R (1990): Phys.Sportsmed., 18(6): 94 104.

(6) LARSSON L, GRIMBY G & Coll (1979): J.Appl.Physiol., 46: 451 6.

(7) LEXELL J (1993): Can.J.Appl.Phys., 18(1): 2 18.

(8) NOAKES T (1988): « Lore of running ». Oxford Univ.Press.

(9) TAMINI N (1990): « La course de longue vie ». Ed. N.TAMINI : 341 p.

 (10) VUKOVICH M & Coll (1993): Med.Sci.Sports Exerc., 25(5): S 161: 900 904.

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *