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Nous ne sommes pas des libres mangeurs !

par | 21 Sep, 2023 | 0 commentaires

Interview réalisée en septembre 2016 par Jean-Philippe Lutton pour Clicanoo (Île de la Réunion)

Spécialiste français de la micronutrition et ancien sportif de haut niveau, Denis Riché était présent ces jours-ci à La Réunion. Il appelle à sortir des jugements classiques sur ce qu’il est « bien ou mal » de consommer.

Jean-Philippe Lutton : Qu’est-ce que la micronutrition ?

Denis Riché : C’est une discipline qui aborde l’alimentation sous l’angle des problèmes de santé. Au lieu de regarder le contenu de l’assiette, on se dit que les anomalies dans l’alimentation se traduisent par des troubles digestifs, articulaires, par de la fatigue… Donc, on réalise avec les patients des questionnaires pour répertorier toutes les perturbations et ensuite on apporte des changements alimentaires pour que la personne aille mieux.

Jean-Philippe Lutton : Votre discipline s’applique aussi au diabète ?

Denis Riché : Oui, complètement. La micronutrition apporte des données novatrices qui remettent en cause toutes les campagnes de sensibilisation. On passe notre temps à dire aux gens « ne mangez pas sucré ». Effectivement, c’est un facteur aggravant. Mais si tout se passe bien au niveau de l’intestin, les gens prendront un peu de poids mais ils ne seront pas diabétiques.

Jean-Philippe Lutton : Peut-on appliquer soit même les principes de la micronutrition ?

Denis Riché : Non, il y a des thérapeutes qui exercent. Mais, ce qui est certain, c’est que plus l’alimentation est industrialisée, moins elle va garantir aux gens un bon état de santé. La micronutrition amène à se poser des questions sur les filières agricoles, la traçabilité des aliments… Ce n’est pas un hasard s’il y a une explosion des problèmes de santé.

Jean-Philippe Lutton : Mais ça veut dire qu’il faut manger quel type de produit ou exclure quoi de son alimentation ?

Denis Riché : On n’a pas d’idée préconçue même si, bien sûr, on insiste sur la consommation d’oméga 3, de fruits et légumes, de poissons gras, le fait de ne pas manger trop de viande… Mais il n’y a pas de cadre immuable. Ce qui est systématique dans la micronutrition, c’est de raisonner sur la façon dont les gens mangent et dont leur corps s’exprime. Nous ne sommes pas des libres mangeurs. Beaucoup de choix alimentaires qui paraissent aberrants n’ont rien à voir avec la bêtise ou l’ignorance. C’est décidé par des facteurs dont on n’a pas connaissance.

Jean-Philippe Lutton : Comme notre éducation ?

Denis Riché : Non, même pas. Si on a certains déficits, la chimie de notre cerveau est différente et l’on aura des pulsions sucrées. Il ne faut pas être dans le jugement en disant que les personnes mangent bien ou mal. Ils ont une manière de manger qu’il faut comprendre.

Jean-Philippe Lutton : Les scientifiques affirment que l’intestin et le ventre sont étroitement liés…

Denis Riché : On y travaille depuis 20 ans et il y a aujourd’hui des solutions concrètes. On sait comment moduler la fonction intestinale pour agir sur le cerveau. Il existe des bactéries qui vont faire fabriquer des molécules par notre cerveau pour améliorer notre état de santé. C’est utilisé dans le cas de la dépression, de l’autisme, de l’hyperactivité. Au-delà de ça, on peut même se poser la question de savoir si l’autisme, le « djihadisme », le surpoids ne sont pas des avatars de tout un système où ce que l’on met dans notre assiette est potentiellement toxique.

Jean-Philippe Lutton : C’est assez radical comme question !

Denis Riché : Mais on peut se la poser ! Tous ces comportements ne sont pas naturels. Tant qu’on a un jugement sur la manière de manger on fera de la nutrition orthodoxe. On dit « ne mangez pas trop gras ». Mais ça veut dire quoi ? Les Crétois, qui avaient la plus belle espérance de vie du monde, avaient aussi une alimentation plus grasse que la moyenne. Notre santé n’est pas une histoire de graisse ou de sucre, c’est beaucoup plus subtil que ça.

Jean-Philippe Lutton : Pour vous, notre comportement serait induit par ce que l’on mange ?

Denis Riché : Tout à fait. Il y a un logiciel du comportement perturbé par un virus informatique qui viendrait de l’intestin et qui fausserait nos comportements. Ça ne sert à rien de décider comment faire manger les gens tant que l’on n’a pas restauré un fonctionnement optimal au niveau de l’intestin, intestin qui agit ensuite au niveau du cerveau. Quand on améliore l’immunité d’un patient, on observe qu’ils se mettent à manger des choses qu’ils n’aimaient pas, qu’ils redeviennent tolérants à des aliments qu’ils ne supportaient pas.

Jean-Philippe Lutton : Quels conseils donneriez-vous aux athlètes du Grand Raid ?

Denis Riché : Il faut définir à l’avance ce qu’on va boire, ce qu’on va manger et déterminer une stratégie du sommeil. C’est le meilleur moyen de bien récupérer.


 

Denis Riché / Jean-Philippe Lutton / Sébastien Valmont pour Clicanoo – La Réunion – Septembre 2016

Photos : Philippe ENG & Girls Band

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