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La viande un sujet brûlant

par | 17 Sep, 2023 | 0 commentaires

Le dilemme du carnivore

La viande divise la communauté sportive en deux camps, chacun d’eux convaincu d’avoir raison: d’un côté, ceux qui ne mangent pas de viande par crainte des toxines qu’elle contient, de l’autre, ceux qui pensent au contraire qu’elle est indispensable au renforcement musculaire. Et si tous deux avaient tort?

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne règne aucun consensus sur la viande. Au hasard des lectures consacrées à l’alimentation du sportif, on peut aussi bien trouver une phrase telle que « la viande encrasse l’organisme » qu’une autre suggérant qu’« elle est indispensable au sportif en raison de sa haute teneur en protéines ». Tentons d’y voir plus clair. Est-il vrai que les chairs animales contiennent des toxines susceptibles de nous encrasser les tuyaux? Avant de répondre à cette question, peut-être faudrait-il s’entendre sur le mot « toxine »? Si on l’utilise dans le sens commun pour désigner des substances responsables d’une acidification des tissus, alors, c’est faux! L’opposition classique de la viande « acide » face aux laitages « alcalins » ne résiste pas à l’approche scientifique (13). Dans les expériences qui consistent à mesurer le « PRAL » des aliments (*), il apparaît que les fromages sont beaucoup plus acidifiants que la viande. Quant à l’acide urique auquel on se réfère aussi souvent lorsqu’on évoque la présence de toxines, la viande en contient bel et bien. Mais cet apport pèse relativement peu en regard de celui que l’on fabrique soi-même (notamment au cours d’un effort intense). Pour le cholestérol, même topo. Les apports alimentaires sont rarement déterminants lorsqu’on les compare à la production endogène. Oublions donc cette histoire de toxine et intéressons-nous plutôt à cet autre argument classique, en faveur de la viande cette fois, qui la présente comme une source incontournable de protéines. Là encore, le raisonnement est entaché de nombreuses erreurs. La première d’entre elles consiste à se focaliser sur un seul aspect du produit pour aboutir au raccourci suivant: viande = protéines. Sans s’en rendre véritablement compte, on met sur le même plan un « aliment » et un « nutriment » en oubliant au passage que la viande -ou plutôt les viandes-  renferment des protéines, certes, mais aussi des graisses, des minéraux, des vitamines, bref une grande variété de constituants selon une clé de répartition qui dépend en outre d’un tas d’autres paramètres comme l’espèce concernée, bien sûr, mais aussi les conditions d’élevage ou le mode de préparation culinaire.

L’œuf parfait

Si les viandes diffèrent à ce point les unes des autres, on est en droit de se poser la question suivante: quelle est celle qui nous convient le mieux? Idéalement, il s’agirait de la viande d »un animal qui contiendrait des acides aminés dans l’exacte proportion de nos besoins. Rappelons brièvement que ces éléments -les acides aminés- figurent au nombre de vingt dans l’univers et s’associent comme les lettres d’un alphabet pour constituer les protéines de toutes les espèces vivantes, végétales et animales. Chez l’homme, on distingue douze acides aminés « non essentiels » qui peuvent être synthétisés dans l’organisme sur base des constituants de la ration et huit acides aminés « essentiels » qui doivent être fournis tels quels par l’alimentation. Ce besoin de diversité a conduit à introduire la notion de « valeur biologique ». La protéine idéale apporterait 100% des besoins théoriques pour chacun des acides aminés essentiels. Existe-t-elle? Chez le sujet sédentaire, la source alimentaire qui s’en approche le plus est l’ovalbumine de l’œuf. A raison d’un œuf par jour, on s’assure en théorie de ne souffrir d’aucune carence. Les autres sources animales de protéines atteignent dans l’ensemble des scores assez élevés sur l’échelle de la valeur biologique. En tout cas, elles font mieux que les végétaux. Qu’il s’agisse des céréales ou des légumes secs, on constate que quelques-uns de ces acides aminés essentiels y figurent à des taux nettement trop faibles. En ce qui concerne les produits céréaliers, la lysine fait souvent défaut, alors que pour les légumes secs et le soja, il y aurait plutôt un problème de carence en méthionine. Dans le premier cas, on se retrouve donc comme un joueur de cartes avec un jeu sans trèfle. Et dans le second, il manque les piques. Pour faire un jeu complet, on est donc obligé de mélanger les deux. C’est ce que font les végétariens. En associant différentes sources de protéines végétales, ils compensent les carences des différentes familles végétales. Et cela marche très bien!

(Intertitre) Peut-on faire du muscle sans en manger?

Dans le paragraphe précédent, nous citions l’ovalbumine de l’œuf comme une sorte de protéine idéale du sédentaire. Pourquoi cette distinction? Les besoins du sportif seraient-ils différents? C’est effectivement la thèse que soutiennent des organisations comme le C.I.V. (Centre d’Information sur les Viandes) par la grâce d’un syllogisme inattaquable: le sportif a besoin de plus de protéines. La viande contient des protéines. Donc le sportif a besoin de plus de viande… Selon la perméabilité des différentes disciplines à ce raisonnement, on rencontrera en effet un nombre plus ou moins élevé des gros mangeurs de viande. Pour certains, les culturistes par exemple, cela ne suffit pas encore. Ces derniers consomment parfois jusqu’à 3 grammes de protéines par kilo et par jour, c’est-à-dire trois fois plus que les recommandations classiques des experts. Pour éviter de se charger conjointement de graisses, ils ont alors recours à des poudres de « protéines rapides » souvent tirées de petit lait (4). Ils élèvent ainsi leur taux d’acides aminés dans le sang et espèrent activer les voies de synthèse de l’anabolisme musculaire. Combinée à des séances de force, la méthode peut s’avérer efficace. En tous cas, elle fait le bonheur des fabricants de poudre. Et ceux des bouchers? Pas forcément! Dans les enquêtes, il apparaît en effet que les culturistes ne mangent pas plus de viande que la moyenne de la population. Parfois même moins. D’autres ex-gros mangeurs de viande seraient en train de suivre le même chemin. Notamment les rugbymen. Dans ces disciplines traditionnellement carnivores, la viande n’est plus autant synonyme de force qu’auparavant même si ses adeptes restent évidemment sensibles à tout ce qui concerne l’intégration des protéines dans la masse musculaire. Les poudres ont pris le relais.

(Intertitre) Une discipline de fer

Dans les sports d’endurance, un autre élément constitutif de la viande concentre sur lui toutes les attentions: le fer! Ce minéral figure en effet à des concentrations intéressantes dans la composition des chairs animales. Certes, on en trouve aussi dans les végétaux. Mais les sources animales présentent l’avantage d’apporter du fer lié à la myoglobine ou à l’hémoglobine qui, de ce fait-là, ne subit pas la concurrence des autres constituants de la ration. A titre de comparaison, sachez qu’on n’absorbe que 5% des 10 milligrammes de fer que renferme un plat de lentilles alors qu’on retient 15 à 20% des 3 milligrammes de fer qui se trouvent dans la même quantité de viande (14). Cela représente une différence du simple au quadruple alors que les deux aliments sont souvent considérés comme équivalents sur le plan ferreux. On mesure l’importance de ce détail dans les grandes enquêtes épidémiologiques menées auprès de sportifs et sportives de haut niveau. L’absence ou l’insuffisance de viande, poisson et volaille est souvent corrélé à une anémie par défaut de fer (7). La solution pour les végétariens? Il faut manger plus! On tire quasiment autant de fer d’un steak de 100 grammes que de 400 grammes de lentilles. A condition de pouvoir les avaler! Pour un sportif assidu, ces rations gargantuesques ne posent généralement pas de problème. Pour des personnes moins actives, si. On pourrait dire alors qu’un régime carné laisse de moins en moins de place aux alternatives à la viande à mesure que baisse le niveau de dépense calorique. Ou encore qu’un végétarien doit se dépenser plus, et manger plus!, s’il ne veut subir de carences. Et s’il n’y avait que la question du fer… Une situation identique prévaut pour le sélénium. Là encore, les déficits sont extrêmement fréquents. Ils concernent environ 30% de la population générale et jusqu’à 60% des joueurs professionnels de foot et de rugby. Les choix alimentaires pas toujours judicieux et une augmentation des besoins liés à l’entraînement constituent peut-être un élément de réponse à cette surreprésentation des sportifs. Mais la principale cause des fluctuations réside dans la teneur en sélénium des sols. Voilà qui explique aussi pourquoi les apports en sélénium posent moins de problèmes aux Etats-Unis que dans la plupart des régions d’Europe (1, 10, 17). Dans les régions fortement sélénifères, l’alimentation végétale peut suffire à satisfaire les besoins. Si ce n’est pas le cas, il vaut mieux puiser aussi un peu de sélénium dans les produits d’origine animale. Les données de l’étude SuViMax sont tout à fait éloquentes sur ce point. L’élévation des apports carnés s’accompagne généralement d’une remontée du taux moyen de sélénium plasmatique (2). Le même constat est établi en Nouvelle-Zélande (16), en Grèce (12) ou au Texas (18). On peut donc en déduire que chaque fois que les portions de viande sont diminuées, le risque de déficience en sélénium augmente. Et vice-versa. Une relation analogue existe pour le zinc chez les  jeunes enfants (9). Tout ce qui précède ne veut pas dire que le végétarisme pose des problèmes insolubles. Il reste cependant plus difficile à équilibrer que l’omnivorisme. Et ne pardonne aucune erreur!

(Intertitre) Et pourtant, elle pollue

D’autres influences s’exercent encore sur le choix de manger ou non de la viande. Notamment en matière d’écologie. On n’a pas forcément conscience de la chose, mais notre consommation de viandes constitue un facteur important de pollution de la planète. Certes, l’idée n’est pas facile à admettre. Personne ne nous avait mis en garde le jour où nous goutâmes notre premier steak tartare… Cette culpabilisation a posteriori n’est d’ailleurs pas facile à admettre. Après nous avoir encouragés à devenir des consommateurs idéals, on nous reproche de ne pas être des « éco-citoyens » responsables. Pourtant, nul doute que la viande pollue. Il faut comprendre que l’industrie agroalimentaire n’a plus rien à voir avec l’activité champêtre d’autrefois. Elle s’est constituée en diverses filières énergivores et chacun des aliments que nous avalons peut être traduit en litres de pétrole nécessaires à sa production. La viande pèse particulièrement lourd dans ce calcul. Il y a un quart de siècle, dans un ouvrage dont le titre, La Malbouffe (5), est passé depuis à la postérité, Stella et Joël de Rosnay citaient des chiffres effarants, qui conservent malheureusement toute leur pertinence en ce début de XXIe siècle. On apprenait ainsi qu’en Occident, les deux tiers de la récolte en grains et céréales servent à alimenter le bétail. Des savants transferts de données permettaient de déduire qu’il fallait 16 kilos de céréales pour obtenir un kilo de protéines de bœuf. Les auteurs proposaient alors une petite comparaison tout à fait édifiante entre le mode de vie d’un habitant du Sahel et celui d’un ressortissant canadien. Le premier consommait 200 kilos de céréales par an. Le second quatre fois plus. 800 kilos dont la répartition se déclinait comme suit: 75 kilos sous forme de pain, cornflakes, pâtes, etc. Le reste sous forme de viande! Il faut effectivement des tonnes de céréales pour nourrir le bétail. Et comme notre production agricole ne suffit pas, on aboutit à cette situation absurde par laquelle les pays riches importent des aliments en provenance de pays où sévissent bien souvent des famines. Selon une étude de Proléa (la filière française des huiles et protéines végétales), les Européens importent 75% des protéines végétales qu’ils donnent à manger à leurs troupeaux, sous la forme notamment de tourteaux de soja, de manioc ou de maïs (transgénique) en provenance d’Amérique du Sud ou d’Asie. A ce détournement massif des ressources vivrières au profit des nantis, s’ajoute l’énorme déséquilibre en matière de déchets. Selon l’ingénieur Jean Marc Jancovici, la production d’une tonne de viande de bœuf (avec os) engendre l’émission de 3 à 4 tonnes équivalent carbone. C’est deux fois plus que l’industrie de l’acier. Et trente fois plus que celle du blé! On a calculé en effet qu’une tonne de céréales libérait « seulement » 120 kilos d’équivalent carbone. Et ce, même en tenant compte des rejets liés à l’industrie chimique au service de l’agriculture (engrais, pesticides). Et s’il n’y avait que cela. Les déjections des animaux d’élevage produisent 40% des émissions mondiales d’ammoniac, l’une des principales causes des pluies acides. Au total, l’impact écologique de notre assiette est énorme et largement ignoré du public. La viande intervient ainsi pour un tiers de notre empreinte écologique totale, soit autant que les transports et le logement réunis. Sa production est aussi responsable d’un formidable gaspillage en eau. On estime ainsi que 70% de la consommation d’eau potable dans le monde est destinée à l’agriculture pour 30% d’utilisation industrielle ou domestique. Là encore, les chiffres font réfléchir. Il faut à peu près 500 litres d’eau pour produire un kilo de pommes de terre; 3500 litres pour un kilo de poulet et jusqu’à 100.000 litres pour un kilo de bœuf.

(Intertitre) Sur la piste des kangourous

Face à cet immense problème, certains spécialistes osent des réponses iconoclastes comme, par exemple, de revenir à des modes alimentaires plus rustiques. Cette solution est notamment envisagée en Australie avec les kangourous. Le professeur Peter Ampt, de l’Université de Nouvelle Galles du Sud prône ainsi le remplacement du bœuf et du mouton par des steaks de marsupial. A ses yeux, cela offrirait le double avantage de réguler la population qui atteint des proportions alarmantes dans certaines régions et, du point de vue nutritionnel, d’encourager la consommation d’une viande particulièrement saine: riche en fer, pauvre en graisses et surtout dénuée des résidus habituels de stéroïdes, antibiotiques et autres vaccins. Pour son collègue, le professeur Athol Klieve, l’intérêt du kangourou réside également dans la présence dans son intestin d’une petite bactérie particulière qui lui évite les flatulences (8). En clair, les kangourous ne pètent pas! Fort de cette découverte, ce professeur envisage à présent d’isoler ce microorganisme et de coloniser avec lui les tubes digestifs des vaches et des moutons d’élevage. D’après ses calculs, cela permettrait de réduire sensiblement la production de gaz à effet de serre. « En Australie, les flatulences ovines et bovines représentent 14% des émissions », explique-t-il. « En Nouvelle Zélande, où l’élevage est encore plus développé, on avoisine les 50%. » Résultat: le kangourou est à la mode. Les acteurs de la filière procèdent actuellement à un gros travail de lobbying et, selon les statistiques, ils ont déjà convaincu près d’un Australien sur cinq. Pas mal. Surtout compte tenu de ce que dans la plupart des états de ce pays continent, cette viande était interdite à la consommation jusqu’en 1993. Fort de ce succès, la filière rêve à présent d’exportation. Mais elle doit faire face à la féroce opposition de l’association VIVA (Vegetarians International Voice for Animals) qui dénonce son ampleur (5 millions d’animaux abattus chaque année) et les conditions barbares de la chasse. En réalité, ces activistes de la cause animale s’indignent surtout que l’on prône la consommation d’une espèce qui vit en totale liberté. Leur discours rappelle un peu celui de tous ceux qui s’offusquent aussi que l’on mange du cheval ou du lapin. Alors, bien sûr, le récit de la mise à mort d’un animal est toujours difficile à entendre. Mais d’où vient cette idée que seules certaines espèces moins nobles mériteraient d’être mangées? A nos yeux, c’est l’élevage en batterie qui constitue le vrai scandale. Si, pour arriver à le supprimer, on doit passer par une diversification des viandes, voire comme dans le cas de l’Australie à un recours à une chasse bien ordonnée, pourquoi pas? Le reste n’est que sensiblerie. Mais VIVA n’en démord pas. Et elle enregistre des victoires. Par ses actions d’éclat, elle a déjà obtenu des chaînes anglaises de grands magasins, telles que Sainsbury’s, Tesco ou Somerfield, la cessation de toute importation de viande de kangourou. Le combat continue!

(Intertitre) Dans le bison, tout est bon

Cette question des kangourous peut paraître anecdotique. Elle est pourtant au cœur des débats. On la retrouve sous des formes déguisées sous beaucoup d’autres latitudes: autruche, émeu, renne, caribou, etc. Les nouvelles viandes sont partout. C’est même amusant de confronter les discours. Ainsi les défenseurs australiens des kangourous dénoncent leur mise à mort comme le plus gros massacre d’animaux sauvages terrestres dans le monde depuis celui du bison américain au XIXe siècle. Et justement, au même moment, aux Etats-Unis, on s’interroge sur l’opportunité de relancer l’espèce dont les conditions de vie plus ou moins sauvage offriraient là encore une alternative plus écologique aux actuels élevages de bovins. Le bison présente lui aussi l’avantage d’une viande pauvre en graisses (seulement 2,4%), riche en fer et en vitamine B12. Va-t-on revoir bientôt des scènes de chasse comme à l’époque de Buffalo Bill? Le sujet fait l’objet de débats passionnés. D’abord parce qu’il réveille une partie d’histoire dont les Américains ne sont pas forcément fiers: le massacre des bisons comme prélude au génocide indien. Ensuite et surtout parce que le public se rend progressivement compte que l’industrie de la viande a réussi cet exploit d’escamoter complètement la question de la mise à mort de l’animal. La chasse possède au moins le mérite de ne pas tuer en catimini.

(Intertitre) Les gigots voyageurs

Un autre aliment ancestral fait lui aussi son apparition sur nos tables, sans susciter autant d’émoi de la part des associations de défense des animaux. C’est le crocodile! Pauvre en graisses lui aussi, il est en outre riche en protéines et renferme beaucoup de vitamine B12. De plus, ces animaux possèdent un rendement métabolique exceptionnel: le crocodile peut tenir une semaine entière en se nourrissant d’un seul poulet. Sans produire le moindre déchet! Les os, les plumes, tout y passe. Et sa chair est délectable, paraît-il. On la prépare même en carpaccio! Plus étonnant: on relève dans ces tissus des taux particulièrement élevés en dérivés hormonaux au point que cette viande est recherchée par les culturistes toujours soucieux de développer leur masse musculaire (11). Est-ce le résultat d’une exceptionnelle vigueur sexuelle? Plus vraisemblablement, ces animaux seraient plus réceptifs à la dissémination d’hormones dans notre environnement. De ce fait-là, on peut craindre un peu pour la santé des leveurs de fonte convertis au barbecue d’alligators! Et en France? Chez nous aussi, on s’aperçoit que le mets favori d’Obélix retrouve droit de cité: le sanglier revient en force! Sur le plan des effectifs d’abord. Dans certaines régions, seule la chasse permet de réguler une reproduction surnuméraire dont se plaignent les populations riveraines. Et comme le sanglier court plus que le chasseur, boit moins que lui et ne se déplace pas en 4 x 4, sa viande est maigre (moins de 2% de graisses) et riche en fer. On lui attribue en outre un des taux de sélénium parmi les plus élevés du règne animal. Ainsi il arrive parfois que les préoccupations pour l’avenir de la planète rejoignent les recommandations d’équilibre nutritionnel et annoncent des changements de mœurs importants dans les années à venir. Et qui porte symboliquement ce message? Le sanglier par Toutatis!

Denis Riché

(*) Abréviation de « Potential Renal Acid Loading » qui désigne la charge acide au niveau des reins

(**) Le zinc est notamment indispensable au bon fonctionnement du système immunitaire

BIBLIOGRAPHIE

(1): ALFTHAN G, ARO A & Coll (1991): Am. J. Clin. Nutr., 53: 120‑5.

(2): ARNAUD J, BERTRAIS S & Coll (2006): Brit.J.Nutr., 95 (2): 313-20.

(3): BOU R, GUARDIOLA F & Coll (2005): Poult.Sci., 84 (7): 1129-40

(4): DANGIN M, BOIRIE Y & Coll (2001): Am.J.Physiol.Endocrin. Metab. 280: E340-8.

(5): DE ROSNAY J, DE ROSNAY S (1979): La malbouffe,

(6): HAUG A, EICH-GREATOREX S & Coll (2007): Lipids Health Dis., 29: 6-29.

(7): HAYMES EM (1987): Med. Sci. Sports Exerc., 19 (5): Suppl.: S197-200.

(8): KLIEVE AV, YOKOHAMA MT & Coll (2005): Appl. Environ. Microbiol., 71 (8): 4248-53.

(9): KREBS NF, WESTCOTT JE & Coll (2006): J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr., 42 (2): 207-14.

(10) LUOMA P, KORPELA H & Coll (1985): Biol. Trace Elem. Research, 8: 113‑21.

(11) MYERS JP, GUILLETTE LJ & Coll (2003): The emerging science of endocrine disruption. Intern. Seminar on nuclear war and planetary emergencies, 28th session: 1-12

(12) PAPPA EC, PAPPAS AC & Coll (2006): Sci. Total. Environ., 372 (1): 100-8.

(13) REMER T, MANZ F (1995): J.A.M.A, 96: 791-7.

(14) RICHE D (1998): Guide nutritionnel des sports d’endurance, Vigot Ed.

(15) TAYLOR A, REDWORTH EW & Coll (2004): Biol. Trace Elem. Res., 97 (3): 197-214.

(16) THOMSON CD, ROBINSON MF (1990): N.Z. Med. J., 103 (886): 10-5.

(17) THORN J, ROBERTSON J & Coll (1978): Brit. J. Nutr., 39: 391‑6.

(18) ZHANG X, SHI B & Coll (1993): Biol. Trace Elem. Res., 39 (2-3): 161-9.

Encadré 1
Des neurones sous influence

Dans un article du journal russe Prosport qui cherchait récemment une explication au très faible niveau du football en Inde, l’auteur mettait cela sur le compte d’une alimentation pour ainsi dire totalement végétarienne. Ainsi, les footballeurs indiens manqueraient de l’indispensable agressivité pour rivaliser avec ceux des autres nations (1). Sans souscrire totalement à cette explication, on notera néanmoins que l’attirance pour le végétarisme évolue très différemment en fonction des disciplines. Elle est faible en boxe et beaucoup plus fréquente dans des disciplines sans confrontation directe comme l’athlétisme, le cyclisme ou le ski de fond. Dans un contexte beaucoup plus tragique, l’écrivain Jean Hatzfeld a consacré ses trois derniers livres à s’interroger sur les ferments de la folie meurtrière qui s’est répandue au Rwanda lors du massacre des Tutsis en 1994. Et de souligner l’étonnante concomitance des expéditions meurtrières et l’introduction d’énormes quantités de viande dans une alimentation hutue traditionnellement végétarienne (2). Alors, existe-t-il un lien entre l’ingestion des chairs animales et le comportement plus ou moins violent des personnes? La question mérite d’être posée. On sait en effet que certains des acides aminés qu’apporte la viande entrent ensuite dans la composition des neurotransmetteurs responsables des changements d’humeur. La tyrosine, par exemple, permet de fabriquer les catécholamines dans le cerveau. Elle augmente donc naturellement le taux des fameuses hormones du stress: adrénaline et noradrénaline. Ce genre de relation affecte aussi la synthèse d’un autre neurotransmetteur, la sérotonine qui dépend des apports de tryptophane (en provenance notamment des laitages). Le fait de se priver soudainement de produits animaux ou au contraire de les introduire brutalement dans les habitudes alimentaires peut se traduire par des symptômes divers tels que insomnies, nervosité, stress, fatigue, agressivité. Par là, on comprend aussi la fragilité de la notion même de besoin tant celui varie selon les individus. Même le psychisme intervient!

(1) Prosport est un bimensuel russe créé en 2003. Les journalistes ont l’ambition d’en faire « le premier magazine intéressant sur le sport ». (NDLR: …et nous alors?) L’article en question intitulé Le foot indien renaît de ses cendres a été repris dans le Courrier International n°894-895 du 20 décembre 2007.

2) Lire Dans le nu de la vie (2000), Une saison de machettes (2003) et La stratégie des antilopes (2007) Ed. Seuil 

Encadré 2
Comment économiser une planète?

Très à la mode, le concept d’empreinte écologique vise en somme à comparer l’impact de nos habitudes de vie sur l’environnement: transport, chauffage, consommation… On traduit toutes ces données en surface d’exploitation. Cet outil nous permet de savoir par exemple que, si l’ensemble de la population mondiale adoptait le mode de vie du Français moyen, ce ne serait pas une mais trois planètes qui seraient nécessaires à remplir tous nos besoins. Ce concept d’empreinte écologique se comprend facilement quand on l’applique à la nourriture. Actuellement, dans la logique productiviste qui gouverne l’essentiel de l’agriculture, il faut 5000 mètres carrés de terre cultivable pour produire soit 70 kilos de bœuf, soit 10 tonnes de pommes de terre. Bien sûr, il n’y a pas d’équivalence nutritionnelle entre les deux produits. Il n’empêche, ces chiffres interpellent. Et donnent la mesure du déséquilibre!  Selon l’association Terre Sacrée, les deux tiers de toutes les surfaces cultivables du monde servent actuellement à la production de viande, soit comme pâturages, soit pour la production de fourrage. C’est énorme. En changeant même légèrement d’habitudes, on pourrait nettement améliorer les rendements vivriers. Des chercheurs ont tenté de formuler cela en des termes simples. Ainsi celui qui ne mange aucun produit d’origine animale réduit son empreinte écologique de 156% par rapport à celui qui mange de la viande à chaque repas. Si on fait attention en outre à favoriser les productions locales, on gagne encore 28% d’empreinte écologique. Tout seul, cela ne change pas grand chose. Mais tous ensemble… cela fait une planète!

(*) http://terresacree.org

Encadré 3
Travaux pratiques

Concrètement, qu’est-ce qu’on peut faire pour manger à la fois sainement et sans trop plomber les ressources de la planète?

  1. Limiter sa consommation de viande. Il n’est absolument pas nécessaire de prévoir de la bidoche à chaque repas. Une fois par jour suffit amplement aux besoins. Ne dépassez pas non plus trois laitages quotidiens.
  2. Diversifier les sources: volailles, gibier, viandes exotiques, etc. Ne pas snober pas les bas morceaux. Il faut apprendre à manger tout l’animal.
  3. Etre attentif aux origines de la viande. Boycotter les productions des élevages en batterie. Rechercher les labels de qualité.
  4. Privilégier le poisson sauvage plutôt que celui issu des élevages.
  5. Choisir les produits frais et limiter les surgelés qui coûtent très cher en énergie du fait des impératifs de stockage et de transport.
  6. Restreindre aussi la consommation de préparations industrielles dont l’empreinte écologique est très élevée: plats déjà cuisinés, quiches, gratins, pizzas, nuggets….
  7. Diversifier les sources de protéines végétales: légumes secs, céréales complètes, soja. Ces associations offrent d’excellents substituts à la viande.
  8. Manger régulièrement des œufs que l’on achètera plutôt à des petits producteurs (attention aux arnaques) plutôt que ceux produits en batteries.
  9. Faire la guerre aux emballages
  10. Garder un apport glucidique suffisant au cours de la journée. Ce conseil vaut surtout pour les sportifs. La diminution des réserves en glycogène entraîne une dégradation accrue des acides aminés et augmente donc indirectement les besoins en protéines. Pour rien!

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